Cinquième partie
Bismi Llah Al-Rahman Al-Rahim
Mon frère Adil était la fierté de mon père. Niveau études il assurait.
En effet, il avait sauté une classe et eut son bac ES à 16 ans (monsieur est de fin d'année). A 18 ans il sortait de sa prépa-HEC et à 21 ans de il fût diplômé de son école de commerce.Ma vie de famille n'était pas troublée par l'absence de ma mère, mais la famille de mon père trouvait qu'il manquait une femme, surtout vis-à-vis de moi.
Ils dirent à mon père:
- Elle va grandir, va avoir des problèmes de filles, tu ne pourras pas les résoudre pour elle, elle va être perdue. Elle a besoin d'une mère.Mais moi je n'avais besoin de personne, j'avais moui Hafida en cas de problème. Et puis, les problèmes ils sont pas encore prêts d'arriver.
Tous les étés, papa nous ramenait au Maroc. Il tenait à ce qu'on connaisse la famille de notre mère, nos grands parents maternelles (lui n'ayant plus les siens). Je passais donc la majorité de mon temps chez eux pendant l'été. Mon grand père me disait:
- Tu es le portrait craché de ma fille, soubhanAllah (Gloire à Allah) elle est partie et Allah t'as donné son visage.* CET EPISODE M'A ÉTÉ RACONTE PAR MON PÈRE *
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Ce fameux été, mon père eut une conversation avec mon grand-père:
- Hnini (tout le monde l'appelait comme ça, de ses enfants, à ses petits-enfants en passant par les beaux-fils, belles-filles... Signification: quelqu'un de tendre) je suis seul depuis maintenant 6 ans, j'élève mes enfants seul, je respecte ta fille, elle me manque mais ma soeur veut me marier à une fille de très bonne famille, j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider, surtout pour Naïma. Ça va être dur d'être seul quand elle va grandir.
- Abdeslam, tu es comme mon fils, je comprend et on a tous besoin de quelqu'un dans notre vie pour nous aider. Je ne peux pas t'empêcher de te remarier. Mais fais attention, je veux que ma fille soit élevée par quelqu'un de bien.
____________________Mon père, avec la bénédiction de mon grand-père épousa donc cette femme: Fatima.
J'ai demandé plus tard à mon frère comment il a réagi quand papa lui a annoncé qu'il allait se remarier il m'a répondu:
- C'est sa vie, nous un jour on allait partir de la maison, lui il allait resté tout seul donc c'est normal.Cette Fatima n'était ni jeune, ni vieille. Elle devait avoir 38 ans et ne s'était jamais mariée. Pourquoi ? Telle est la question.
Elle fixa les règles du mariage avec mon père: elle ne laisse pas ses parents pour partir en France, surtout si c'est pour éduquer trois garçons. Mon père devrait lui envoyer de l'argent tous les mois.
Mon père lui expliqua que si il se remarie, c'est justement pour que quelqu'un l'aide à éduquer sa petite fille. Elle répondit:
- Elle reste avec moi ici, la famille à sa mère n'est pas loin, moi je l'éduquerais comme ma fille.
- Et l'école ?
- Il y a une très bonne école française ici, inscris la.Mon père était réticent. Me laisser là bas, moi sa petite fille ? Me priver de sa présence alors que le destin m'a déjà privée de celle de ma mère ?
Après plusieurs jours de réflexion, malgré que Adil était complètement contre il accepta.
Il m'avoua plus tard que ça l'arrangea d'avoir une femme loin puisqu'il ne voulait pas vraiment de ce mariage. C'était un mariage un peu contre son gré mais qu'il eut du mal à se séparer de moi.
Ils se marièrent donc, sans chichi, pas de fête, juste un passage devant les hdoul (c'est un peu des notaires islamiques qui font signer les contrats de mariage,...).Fin des vacances, mon père rentre en France après avoir prit soin de m'expliquer qu'il sera toujours là pour moi, que si j'ai besoin de quoi que ce soit je n'avais qu'à demandé à Fatima de l'appeler et qu'il serait à l'écoute. Mais je lui avais dit:
- Mais moi je veux pas rester avec elle ! Je veux aller chez moui Hafida.
- Benti s'il te plaît écoutes moi, je fais ça pour ton bien, moui Hafida elle a sa famille, ses enfants, elle ne peut pas t'élever, ce n'est pas ta mère.
- Elle aussi c'est pas ma mère.
- Oui mais elle maintenant c'est ma femme, elle s'occupera de toi avec soin.Moui Hafida est la femme de hammi Lhousine et pourtant il ne la laisse pas loin de tout avec Nacer. Je vous avoue que j'avais du mal à comprendre la décision de mon père, mais avec du recul, je sais qu'il l'a prit après avoir bien réfléchi et en pensant que c'était une bonne décision pour mon avenir et mon éducation.
Quand mon père et mes frères embarquèrent dans la voiture pour partir, j'avais le coeur déchiré, on dirait qu'une bombe l'avait fait explosé, qu'il était déchiqueté en petits morceaux.
Je me rappelle encore comme j'ai pleuré, comme je me sentais abandonnée. Pour la première fois de ma vie j'ai crié entre deux larmes:
- MAMA AIDE MOI, PAPA VEUT ME LAISSER LOIN DE CHEZ NOUS !L'instinct fait qu'on retourne toujours vers nos mères en situation de crise, même quand on ne l'a jamais connu.
Mon père pleurait, je ne l'avais jamais vu pleuré. Il était fort, ne craquait jamais, mais cette fois la culpabilité se lisait sur son visage. Adil me faisait des câlins, les larmes coulaient sur son visage, il me dit, mot pour mot:
- Je reviendrais te chercher, t'inquiètes pas.Kamel vient me voir, en regardant par terre, les larmes aux yeux et il me dit:
- Papa il a pas le droit de te faire ça. Moi j'vais lire des histoires à qui ?Il me fait un bisou, monte dans la voiture.
Même Younes était venu me faire un bisou accompagné d'un:
- On viendra te voir t'inquiètes !Je reste en pleure, moi sur le sol marocain, eux dans la voiture, ne me regardant même plus de peur de s'effondrer, direction la France.
Une gamine de 6 ans abandonnée. Je pensais: "si ma mère était là, jamais ça ne serait arrivé. Jamais cette Fatima ne m'aurait bloquée ici."
Je continue à pleurer, une heure après leur départ je suffoquais encore. Cette folle me regarde et me met une grande tarte en criant:
- Ça suffit là, gamine pourrie gâtée ! Je suis déjà bien gentille de te garder avec moi mais tu vas pas me saouler longtemps c'est moi qui te le dis !Personne ne m'avait jamais tapée jusqu'ici, j'étais une enfant sage, sans problème, qui écoutait ce qu'on lui disait. Cette gifle m'a sonnée et a rajouté à ma souffrance intérieure cette souffrance extérieure qui a fait chauffer ma joue. Je pleurais encore plus qu'au début, elle prit une chaussure et me tapait avec, de partout en me disant:
- Tais toi ! Tais toi ! Je t'ai dit de te taire !! Tu comprends pas ?Je ravale mes larmes tant bien que mal, j'essaye d'arrêter de suffoquer, je coupe mon souffle de peur qu'elle continue.
Elle n'a pas du tout gagné des points ce jour là ! Je la déteste ! Jamais ce ne sera ma mère !
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Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El Hamdoulillah
General FictionChronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El Hamdoulillah