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Mon père décida de m'emmener voir un psychologue sur les conseils de ma maîtresse qui voyait que j'étais renfermée sur moi même.
Le rendez-vous était prit, je devais aller consulter pour régler mes problèmes. La psychologue était très gentille, elle était patiente et je me sentais en sécurité avec elle.

Je vous avouerais que cet évènement n'a pas beaucoup marqué ma vie, je me rappelle vaguement d'elle, de son fauteuil, de sa manière de poser des questions pour me faire aller plus loin dans ce que je racontais, sa manie de m'écouter tout en prenant des notes. Puis elle me demande ce que j'aimais faire:
- J'aime lire.
- Tu te sens comment quand tu lis ?
Je haussai les épaules, je ne comprenais pas le sens de sa question. Quand je lis, je lis et puis c'est tout, je ne pense à rien d'autre, je n'arrive pas à m'arrêter, je veux savoir ce que cache la page qu'il arrive après.

Le soir, j'avais continué le livre commencé la veille, c'est là que je compris que je m'évadai en lisant, j'imaginai ma vie autrement, je voudrais être une de ces héroïnes à qui la vie sourit un beau jour, je voudrais être Tom-Tom et faire des farces avec Nana, je voudrais être Blanche-Neige et rencontrer les sept nains, je voudrais rentrer dans un livre, rencontrer ces personnages et moi aussi, je veux que l'histoire de ma vie se finissent par un beau "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants".

Les rendez-vous se succédaient, je ne comprenais pas trop l'intérêt de ces visites, je lui racontais ma vie sans savoir pourquoi, juste parce que j'avais confiance en cette petite femme qui me souriait et me donnait des bonbon à la fin de la séance.
- Ce n'est pas ta faute ce qui est arrivé au méchant monsieur au Maroc tu sais ? Si c'était toi la méchante, c'est toi qui aurait été en prison, alors que là c'est lui qui va y aller.

Je crois que cette phrase à eut l'effet d'un électrochoc sur moi, elle n'avait pas totalement tord, moi je suis revenue en France, si c'était mal j'aurais été punie.
Et c'est là que je compris réellement que ce n'était pas moi la fautive, que je n'avais rien à me reprocher et que ce n'était pas moi qui devait avoir honte. Après tout, depuis le début de l'histoire tout le monde était de mon côté.

Au fur et à mesure des séances je faisais de moins en moins de cauchemars, jusqu'à ne plus en faire du tout. En revanche, je ne m'étais toujours pas ouverte aux autres, en classe je ne parlais vraiment qu'à Nacer, les autres petits camarades je ne leur adressais jamais la parole. Et puis un jour j'ai demandé à mon père de ne plus retourner chez la psychologue, car elle me faisait toujours répéter les mêmes choses.
J'ai dut faire une dizaine de séance et j'étais vraiment contente que ça s'arrête.

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Arrêtons un peu de parler de moi.

* Pendant ce temps, mon frère Adil se métamorphosait. Il avait eut sa promotion, était maintenant cadre à 22 ans ma cha Allah, il aidait beaucoup mon père financièrement puisqu'il gagnait bien sa vie.
Il lisait beaucoup de livres sur la religion à ses heures perdues, lui qui profitait de son temps libre pour aller voir ses amis au quartier sortait maintenant de moins en moins. Il a commencé à prier, au début il ne priait pas régulièrement, mais avec le temps il fit ses prières comme il faut el hamdoulillah, en rentrant du travail il les rattrapait. Mon frère était déjà un amour avant ça, mais j'avais l'impression qu'il devenait un autre homme, un homme plus doux. *

* Kamel était toujours au collège, il sortait plus souvent avec ses amis pour jouer au foot ou tout simplement faire des bêtises ensemble. Il me racontait le soir en rentrant qu'ils avaient insultés une fille qui étaient habillée de façon provocante ou encore qu'ils se sont amusé à sonner chez les gens, défoncer une porte... Enfin bref il me racontait et moi j'étais subjuguée par son courage lol moi qui n'aurait jamais osée faire ça de peur de me faire punir je voyais mon frère comme quelqu'un de très courageux. Et puis à l'école il répondait beaucoup aux professeurs, papa était souvent convoqué et Adil et Younes lui mettaient des coups. Ça me faisait mal au coeur de le voir se faire taper, je venais toujours pour le protéger, mon frère chéri je ne voulais pas qu'il ait mal comme moi j'ai eut mal. *

* Moui Hafida et hammi Lhousine avaient aussi des problèmes avec Hakim, le plus grand de mes frères de lait. Il avait 20 ans et avait arrêté l'école en 3ème parce que selon lui "l'école ça sert à rien". Il ne travaillait pas mais avait toujours des habits de marques, des sous... Mon frère il est vraiment gentil, il me tendait toujours des sous:
- Tient petite soeur, achètes toi des bonbons.
Un jour il m'avait tendu un billet de 50 francs, juste en pensant tous les bonbons que j'allais m'acheter avec j'en avais déjà des caries.
Moui Hafida se plaignait souvent de lui mais moi je l'aimais comme tous mes autres frères, il est gentil.

Avec Walid ce n'était pas la même, il avait 16 ans et il ne lui faisait pas d'histoires à l'école, il travaillait, mais en dehors il se battait toujours. Et puis il parlait mal:
- Je vais passer à l'école des fois, si je te vois avec un garçon j'te n****.
- J'vais le dire à moui Hafida que tu dis des gros mots.
- Je m'en bas les c******* dis le même à la voisine.

Nacer quand à lui était bien trop jeune pour apporter des problèmes à la maison, lui et moi étions l'ultime espoir de moui Hafida d'avoir des enfants à peu près normaux. *

Décembre 1998.
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J'ai 9 ans, je suis toujours une petite fille. Pendant les années qui sont passées je me suis beaucoup renseignée sur ma mère, je posais beaucoup de questions sur elle, je cherchais à me rapprocher d'elle par tout les moyens. Il m'arrivait souvent de regarder ces photos, il est vrai que je lui ressemble énormément, je la regardais, je me regardais dans le miroir ensuite puis je voyais la même chose. J'étais vraiment fière de lui ressembler, c'était la plus belle chose qu'elle pouvait me laisser d'elle avec son prénom.

Papa me disait souvent:
- Viens que je regarde un peu ma fille, j'ai l'impression de voir ta mère.
Et il passait de longues minutes à me regarder.
- Soubhan Allah (Gloire à Allah) tu es aussi belle qu'elle, elle nous a laissé un beau cadeau avant de partir.

Et c'est à cette période de ma vie que le sentiment que j'étais coupable de sa mort à commencé à grandir en moi, je me disais que ma présence sur terre lui à coûté la vie, que si je n'étais pas née elle ne serait pas morte. Je me sentais mal, je lui demandais souvent pardon, je demandais à Dieu de lui faire passer des messages pour moi dans mes prières.
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Le téléphone sonne, papa répondit et je l'entend dire:

- Ina li Llah wa ina ileyhi rajihoune (C'est à Allah que nous appartenons et c'est vers Lui que se fera notre retour)

Cette phrase je m'en rappelle, je l'ai entendu de la bouche de lalla Hadda à la mort de hbibi Hamid. Ça voulait dire que la mort avait encore frappée, je lève alors les yeux vers mon père, j'ai vraiment peur, qui est mort ?
Égoïstement j'ai espéré que ce soit quelqu'un de sa famille qu'Allah me pardonne, je n'étais pas proche d'eux et je savais que j'allais moins souffrir que si c'était quelqu'un de la famille à ma mère.
Il raccrocha:
- Papa qu'est ce qu'il y a ?

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant