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Trente troisième partie


Bismi Llah Al-Rahman Al-Rahim


Un jour je rentrai du collège, moui Hafida m'attendait à la porte pour me dire que je devais rentrer chez elle. Ça ne sentait pas bon, pourquoi je ne pouvais pas aller voir mon père directement ?

- Pourquoi ?
- Parce que je te demande de venir goûter chez mouimtek (ta mouima).

J'avais une boule au ventre, et une grosse douleur dans la poitrine, comme si mes poumons m'envoyaient des nouvelles du mal de mon père. Je suis montée malgré tout chez moi, il n'y avait personne. C'était bizarre, mon père ne sortait pas, il n'en avait pas la force. Je suis redescendue chez moui Hafida avec l'angoisse qui était venue me tenir compagnie.

- Il est où mon père ?
- Viens goûter benti.
- Moui Hafida, je m'en fous de ton goûter, je veux savoir où il est !

Les larmes coulaient, je ne cherchais même pas à les retenir, je n'avais jamais répondu comme ça à ma mouima mais là elle jouait avec le feu. Quand il s'agit de la santé de mon père je n'étais pas du tout patiente.

- Ne t'inquiètes pas, il est à l'hôpital, il se sentait mal alors il y est allé.
- Je veux y aller.
- Ton frère va venir nous chercher pour qu'on y aille avec Kamel.

Kamel entra 15 minutes plus tard, il avait une petite mine, ses yeux étaient rouges, il avait pleuré, c'était sûr.

- Kamel viens on prend le bus, s'il te plaît, je peux pas attendre !

Mon frère ne se fit pas prier, moui Hafida savait qu'elle ne pouvait pas nous refuser ça, alors je pris le bus avec lui en direction de l'hôpital.

Il tenta de me remonter le moral mais rien n'y fit. Mon coeur était en sursis, j'avais besoin de savoir dans quel état était mon père.
Nous étions au mois de Décembre, il faisait froid, mais à l'intérieur de moi je bouillais, je ne tenais plus, j'avais même envie de demander au chauffeur d'aller plus vite mais j'étais bien trop timide pour le faire.
Après une correspondance, nous sommes enfin arrivés à l'hôpital, mon frère demanda où nous devions nous rendre pour trouver quelqu'un qui a un cancer, ces simples mots m'ont bouleversés. J'ai pleuré devant la dame qui nous renseignait, ce cancer je l'avais presque oubliée, même s'il avait changé mon père physiquement, il faisait tout pour que l'on ne voit pas sa douleur. Alors le rappel de la mort probable revint dans mon esprit et je ne put m'empêcher de verser des larmes.
Elle nous indiqua le chemin à suivre et demanda même à une femme de nous accompagner, j'avais dut le faire de la peine. Mon frère me tenais la main et me la caressait délicatement. La femme nous parlait, Kamel lui répondait très brièvement et pour moi les secondes à attendre l'ascenseur étaient looongues, le couloirs à traverser ne se finissaient pas, je m'impatientais de l'apercevoir enfin.

- Vous venez voir qui ?
- Mon père.
- Vous n'êtes pas accompagnés ?
- Bah si, j'suis avec ma soeur.
- Non mais d'un adulte je veux dire.
- J'suis un gamin moi ? J'ai 18 ans !
- Vous faites si jeune, et votre soeur ne vous ressemble pas du tout.
- Oui elle est plus belle.
- Enfin bref, c'est au fond du couloir à gauche, bonne journée.
- Merci, ciao !

- OOOLLLAAAALLLAAAA Comment elle parle trop ! A croire que je t'ai volé pour venir à l'hôpital voir un malade !

Je me suis enfoncée dans la pièce, je vis mon père torse nu dans cette pièce, relié à pleins de machines, un gros tuyau sortait de sa bouche pour l'aider à respirer, il tenait avec un gros pansement, il avait plusieurs perfusions, des poches de médicaments flottaient en haut de son lit. En voyant ça j'ai accéléré le pas, me suis mise en pleurer et je l'ai regardé là, sur ce lit d'hôpital, immobile. J'ai prit sa main, je l'ai embrassé:

- Papa, tu m'entends ? Papa, c'est Naïma ! Papa s'il te plaît réveilles toi !

Aucune réaction de sa part, il était là, son coeur battait, mais il ne me répondait pas. Kamel me dit:
- Je crois qu'il est dans le coma.
Il pleura à son tour, me prit dans ses bras et me dit:
- In cha Allah kheir Naïma, t'inquiètes pas !

Il appuya sur le bouton rouge pour appeler une infirmière qui vint quelques secondes plus tard:
- Excusez moi mais il a quoi exactement ? On a pas eut d'explications nous.
- C'est votre père ?
- Oui Madame.
- Je vais appeler le docteur.

Elle sortit de la chambre, quelques minutes plus tard un homme rentra et nous salua:
- Ecoutez, les poumons de votre père ne fonctionnent plus très bien, ce matin il a eut du mal à respirer, il a appelé les secours et nous l'avons transportés ici mais en arrivant il était dans le coma. Je pense qu'il se réveillera très bientôt, mais vous savez, l'état de votre père est très grave comme je l'ai dit ce matin à votre frère qui est venu le voir. Il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre, profitez de vos derniers instants avec lui.

Il n'avait pas prit de gant pour nous annoncer ça, il y était allé cash, j'étais choquée, je me suis remise à pleurer toutes les larmes de mon corps, Kamel me serra contre lui et je crois que c'était pour que je ne vois pas que lui aussi pleurait.

- Tu sais c'est un homme très fort, tu peux être fière d'avoir eut un papa comme lui, il a lutté très longtemps, il a tenu bon.

Je regardais le lit de mon père, son corps allongé là, vivant mais déjà si loin de nous. J'ai laché mon frère que jusque là je serrais très fort, je me suis approchée de mon père, un petit Coran était posé à côté de lui. Je suis rentrée dans les toilettes faire mes ablutions, je suis revenue auprès de lui, Kamel était assit sur une chaise il regardait mon père qui n'avait pas bougé d'un poil. Je mis une chaise près du lit, pris le Livre Sacré, je l'embrassai comme me l'avait montré mon père depuis le début, je l'ouvris à la sourate Al-Rahman que mon père aimait que je lise, et je me suis mise à la lire à haute.

Je l'ai lu avec le coeur et je pleurais, je devais me rendre à l'évidence, Allah nous comble de Ses bienfaits, s'Il voulait rappeler mon père auprès de Lui c'est que c'était un bien pour lui, je ne pouvais pas renier le Créateur sous prétexte qu'Il m'éprouve en touchant à la personne que j'aime le plus au monde, car à côté de celà Il me donnait tellement de choses. J'étais en bonne santé, je vivais bien, j'avais une famille exceptionnelle qui me comblait de bonheur alors même si je serais triste à la mort de mon père je ne pouvais pas renier tout ce que j'ai eut dans ma vie.

Kamel pleurait également, j'essayais d'embellir ma voix au maximum, je lisais ces versets pour mon père, pour qu'Allah lui accorde Sa miséricorde dans ce moment où il ne pouvait pas bouger pour le remercier car je savais éperdument que s'il était réveillé à ce moment là il aurait dit "el hamdoulillah".

Adil, Younes, moui Hafida, Samia, Hakim, Nacer et Walid rentrèrent dans la chambre en silence, et ne parlèrent pas. Ils écoutèrent la lecture de la sourate jusqu'au bout.
Une fois fini, j'avais les yeux rempli de larme, moui Hafida m'embrassa le front et me dit :
- Allahi rdi hlik benti (Qu'Allah te garde)

Je me suis levée pour saluer tout le monde, ma belle soeur pleurait, tous mes frères me firent des câlins, Hakim, Adil et Younes avaient les yeux qui brillaient, ils retenaient leurs larmes. Je suis retournée auprès de mon père, je lui prit la main et lui dit:
- El hamdoulillah, je sais où on va se retrouver papa, je ferais tout pour être avec toi là bas, wallah je serais une bonne musulmane et on se reverra.

Désolée je ne peux pas finir wallahi c'est trop dur, je finirais demain in cha Allah.

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant