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  Neuvième partie

Bismi Llah Al-Rahman Al-Rahim


Les jours passèrent, la rentrée scolaire avait commencée. Quand j'étais à l'école j'étais heureuse, épanouie, je ne pensais plus à mes problèmes.

Là bas, je suivais le programme français, j'étais un peu isolée des autres, je n'avais pas de véritable ami.
Au début, ça me faisait bizarre d'aller à l'école seule sans moui Hafida et Nacer, ils me manquaient tellement, mais j'ai fini par m'y habituer et je me faisais à cette vie loin de tout, loin de ma famille.

J'avais enfin apprit à lire. J'empruntais des livres dont je buvais chacun des mots. Sous mes yeux défilaient des lignes, pleines de beauté, de grâce. J'étais hypnotisé par tant de pages, je pouvais lire un livre en un seul jour.
A l'âge où toutes les filles rêvent de devenir chanteuse ou danseuse moi je rêvais d'être un écrivain. Je voulais écrire toute ma vie, en faire mon métier, que les gens prennent plaisir à lire ce que j'écris.

J'allais chez mes grands-parents le plus souvent possible, mon grand-père voyait bien que j'avais prit 10 ans dans le crâne depuis mon arrivée quelques mois plus tôt, mais ce qu'il ne savait pas, c'est que je pleurais après chaque visite de Khalid dans ma petite chambre, à chaque fois que je perdais un peu plus mon innocence.

J'étais devenue très maigre, je ne vivais plus, je survivais, j'avais l'espoir que papa change d'avis et vienne me chercher. Ses appels me redonnaient la force de lutter, de faire preuve de patience face aux horreurs que je vivais.
Moui Hafida aussi m'appelait souvent et elle m'envoyait souvent des colis avec des bonbons, des gâteaux, que je ne voyais d'ailleurs jamais, ainsi que des habits

Fatima quand a elle, une fois qu'elle fit de moi une petite fille obéissante et qui sait se taire, chercha toujours de nouveaux prétextes pour me taper dessus, mais les coups ne m'atteignaient plus, je la laisser s'acharner jusqu'à ce qu'elle se lasse, je m'étais endurcie.
Souvent je me comparais à Cendrillon, je m'imaginais qu'un jour moi aussi je vivrais dans un château, et tout ça sera derrière moi.

Cela devait faire 6 mois que j'étais prisonnière de ma peine, que je me noyais dans le silence. Tout au long de ces 6 mois je m'étais beaucoup rapprochée de lalla Hadda, j'aimais lui poser les questions qui trottaient dans ma tête et elle y répondait en parlant toujours de Dieu. Elle semblait l'aimer ce Dieu, et voulait aller à sa rencontre. Moi aussi je l'aime ce Dieu, parce que si lalla Hadda l'aime, ça doit vraiment être quelqu'un de bien.
- Mais lalla Hadda, tu penses que Dieu Il m'aime ?
- Toi tu L'aimes ?
- Oui je L'aime.
- Et bien si tu L'aime, Lui aussi Il t'aime. Il aime toutes ce qu'Il a mit sur Terre et qui lui obéit.
- Peut-être que je L'ai énervée, c'est pour ça qu'Il m'a envoyée ici.
- Nan Il t'a envoyée ici pour te faire grandir, derrière tout mal il y a un bien, tu finiras par être avec ton père in cha Allah.

Un matin, l'un de ces fameux matin où je n'avais pas cette sensation d'être sale, sans cette boule à la gorge, sans cette envie de vomir, je me réveille à cause des cris de Fatima. Je me lève pour voir ce qu'il se passe. Elle est dans la chambre de lalla Hadda et hbibi Hamid entrain de pleurer et de se griffer, se taper le torse, de crier tout en ayant la tête de hbibi Hamid sur les cuisse.

Je ne compris pas ce qu'il se passait, j'étais un peu perdue, elle allait le réveiller le pauvre, peut-être même lui faire peur.
Khalid lui disait de se calmer, ses larmes coulaient aussi. Ah tiens il a un coeur lui maintenant ?
Lalla Hadda était assise dans un coin de la pièce, les mains levées vers le ciel, elle parlait mais je n'avait saisit que quelques mots: "Pardonnes lui", "Paradis", "Esclave". Je m'approche d'elle et lui dit:
- Qu'est ce qu'il se passe lalla Hadda ?
- Hbibek Hamid est mort (qu'Allah lui accorde sa miséricorde).

Je me retourne, regarde le corps de hbibi Hamid en pensant:
<< C'est ça être mort ? On dirait qu'il dort ! >>

- Et qu'est ce que tu dis là ?
- Je demande à Allah de lui accorder Sa miséricorde. Maintenant il est retourné auprès de Lui, il va enfin être libéré. El hamdoulillah, ina li lah wa ina ileyhi rajihoune. (C'est à Allah que que nous appartenons et c'est vers Lui que se fera notre retour)

- Ne pleure pas benti, il ne faut pas être triste, demande à Allah de lui accorder le Paradis.
- Comment je fais ?
- Mets tes mains comme ça (elle joint ses mains, les paumes dirigées vers le ciel) et parle avec Lui, mais il faut que ça vienne de ton coeur, que tu sois sincère.

C'est si facile que ça de parler avec Dieu ? Pas besoin de téléphone ? De lettre comme pour le père Noël ?
Je l'imite et demande à Dieu qu'Il lui accorde le Paradis, Son pardon, et je me rappelle très bien avoir dit:
- Ya Allah, dis à maman que je l'aime, qu'elle me manque, et dis lui de fermer les yeux la nuit quand Khalid vient dans ma chambre parce que je ne veux pas qu'elle voit ça. Prends soin d'elle.

Fatima crie toujours, les voisins sont rentrés à la maison, des femmes se sont jointes à elle pour faire un peu plus de bruit. Je regardais le spectacle pendant que des voisines prennent les choses en main à la cuisine et que d'autres réconfortent Fatima. Moi j'étais toujours à côté de lalla Hadda:
- T'es pas triste ?
- Non, je le rejoins bientôt in cha Allah, on sera ensemble avec Allah. Toi tu nous rejoindras mais plus tard. Tu vas avoir des beaux enfants, un beau mari, tu vas vivre une belle vie et surtout tu vas être une bonne musulmane.
- C'est quoi "musulmane" ?
- C'est nous, notre religion. Quelqu'un qui croit en Dieu et au Prophète Mohamed (Que la paix et le Salut soient sur Lui) est musulman.
- C'est qui le Prophète ?
- Je t'expliquerais in cha Allah mais pas maintenant, tu dois aller à l'école, toi ta vie continue alors ne loupes pas cette journée.

Ah oui, l'école ! Avec tout ce remue-ménage je l'avais presque oubliée mon école chérie ! Je vais préparer mon sac, et jette un dernier coup d'oeil à Fatima. Elle était triste, ça se voyait, elle m'a fait de la peine ce jour là malgré les horreurs qu'elle me dit et qu'elle me fait...
Je lève les mains au ciel en la voyant ainsi:
- Allah pardonne lui à elle aussi elle est triste aujourd'hui !
(Puis en regardant Khalid)
- Mais lui il est méchant !! Je le déteste, j'espère que toi aussi !

Puis je m'en vais, direction l'école où j'ai beaucoup pensé à ma rencontre avec la mort. En rentrant le soir, plus de trace de hbibi Hamid, il n'était plus là. Je m'endors tristement en pensant à lui, à tout ce qu'il reste de son existence, de toutes ses années sur Terre: son souvenir

Le lendemain, lalla Hadda avait de la fièvre:
- Tu vas pas me laisser toi aussi hein ?
- Je ne te laisserais jamais. Quand tu auras besoin de moi, sert fort ça.
Elle me tend une bague en argent qui lui appartenait., j'embrasse sa main et m'en vais dormir. Khalid était bien trop occupé à veiller sur elle pour venir me voir, tant mieux. Le matin, les mêmes cris me réveillèrent.

NAAN PAS LALLA HADDA !!
Je me lève, cours vers sa chambre et vois son corps inanimé. Je l'avais reconnu cette fois, c'était la mort qui avait frappé chez nous pour la deuxième fois ! Elle ne m'avait pas menti, elle l'avait vraiment suivi.
Je lève les mains au ciel, cette fois je n'ai pas pu retenir mes larmes. Je demande à Allah de veiller sur elle, de lui présenter mama pour qu'elle lui parle de moi et de la faire rentrer au Paradis.

Avec tout ça elle ne m'a pas parlé du Prophète (Que la paix et le Salut soient sur Lui). C'est qui lui ?

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant