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L'année de troisième fut horrible, je n'étais pas dans la classe à Nacer et tout le monde m'appelait « la lesbienne ». Non pas que j'ai quelque chose contre les personnes qui le sont mais le fait qu'on soit traité de quelque chose que l'on n'est pas est tout simplement humiliant. Je me sentais humiliée quand j'entendais :
- Oh dommage que t'es lesbienne, t'es plutôt jolie fille.
Ou encore :
- Tu te fais passer pour une halel (fille bien) mais t'es qu'une lesbienne.
Et la pire que l'on m'ait dit a été :
- Heureusement que ton père est mort, au moins il voit pas que sa fille c'est une gouine !

En entendant ça j'ai tout bonnement fondu en larme devant tout le monde, chose que je n'avais jusque là jamais faite. Arrivée au lycée j'étais sourde, aveugle et muette, je faisais celle qui n'entend rien, qui ne voit rien et qui ne répond pas à leur bêtise mais là, le fait qu'il ramène mon père dans l'histoire m'a touchée en plein cœur et j'ai fait une chose que je n'avais jamais faite avant : je me suis retournée vers la fille qui a dit ça et je me suis battue avec elle.
J'étais comme possédée, jamais de ma vie je n'avais ressenti une telle colère envers moi, même quand j'avais perdu mes proches. Cette fois c'était trop, elle avait touché un point sensible, le point à ne pas toucher justement. Je tapais sans vraiment contrôler mes coups, ils allaient un peu partout, certains étaient même mit dans le vide, elle me mettait elle aussi des coups mais je n'y prêtais pas attention, je ne les sentais même pas.
J'ai entendu la voix de Nacer derrière moi qui me disait d'arrêter et j'ai reprit mes esprits, je l'ai suivi, essoufflée, en pleurs, les yeux rouges, des griffures sur le visage.

- Ca va pas ? Qu'est ce qu'il se passe ?
Je n'arrive pas à articuler une phrase entière, je sentais que la colère avait envahie mon corps et surtout mon cœur, je voulais retourner lui frapper dessus sans savoir ce que cela changerait et puis Nacer me prit dans ses bras :
- Calme toi c'est bon, c'est rien, viens tu vas boire.

Il m'emmena en direction des toilettes et rinça mon visage, je bus ensuite un peu d'eau ce qui me calma. Je me suis rappelé des paroles de mon père qui disait que le sheitan coule dans nos veines comme le sang et qu'il est fait de feu, alors quand on s'énerve, son feu se vivifie et que le seul moyen d'éteindre le feu et l'eau. Alors j'ai commencé à faire mes ablutions pour me calmer et je m'en voulais d'avoir laissé le diable se jouer de moi et de m'avoir poussé à avoir ce comportement.

Le Prophète a dit dans un sermon :
« La colère est une braise qui s'enflamme dans le cœur du fils d'Adam. »

- Elle a parlé de mon père Nacer, elle a pas le droit !
- Tu t'en fous, tu sais que ton père c'était le meilleur Allahi rahmo (qu'Allah lui accorde Sa Miséricorde) alors les gens qui parlent ne les calcule pas.
- Je sais mais sur le coup ça m'a vraiment énervée.
- C'est le sheitan ça Naïma, faut être plus intelligente qu'eux.

Nous continuâmes à discuter quelques instants puis il me dit d'aller voir la CPE pour expliquer ce qu'il c'était passé avant que les profs n'aillent raconter les évènements à leur sauce. Je me suis regardée dans le miroir et en voyant mon visage rempli de griffures j'avais vraiment honte, ce n'était pas moi. Dieu n'avait sûrement pas aimé mon comportement à ce moment, il ne reflétait pas du tout ce qu'il attendait de moi.
Je me suis rincée une fois de plus le visage avant d'aller voir la CPE qui fut très surprise. Je lui ai alors expliqué tout en détail, sans rien rajouter, sans rien enlever. Elle comprit ma réaction et me parla longuement mais décida quand même de me coller « pour le principe », mes deux premières heures de colle. J'ai demandé si je pouvais rentrer chez moi car je ne me sentais vraiment pas bien et elle accepta. J'ai donc appelé mon frère Hakim pour qu'il vienne me chercher.
Pendant deux jours je ne suis pas retournée à l'école parce que j'avais peur de recroiser cette fille à qui j'avais fait du mal, de soutenir son regard, je n'assumais pas mes actes et je les regrettais profondément. Le troisième jour je me suis enfin décidée en repensant toujours à mon père qui me rappelait l'importance du pardon en islam et aussi à un hadith que j'avais lu :

Mu'adh bin Anas raconte que le Prophète Muhammad a dit : « Le plus haut degré de la vertu consiste à fortifier vos relations avec celui les rompt avec vous, d'être généreux envers celui qui est avare à votre égard et de pardonner à celui qui vous a offensé. »
Musnad Ahmad

Les réflexions ont continuées tout au long de l'année mais je n'y faisais plus attention, attendant que Dieu récompense ma patience in cha Allah.

Que la patience et la prière soient pour vous un réconfort.
(Coran, S. 2 - La Vache, v. 45)  

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant