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Ahlem et Samia pleuraient déjà, Naïm était là et demandait à sa mère :
- Pourquoi tu pleures mama ?

Mes frères tentaient de rester forts, moui Hafida me prit dans ses bras et Hammi Lhousine m'embrassa.
Et moi ? Et bien moi je suis restée tout simplement figée, je n'ai pas pleuré, je me disais que peut-être il continuerait à vivre, que ce n'est pas les médecins qui décident. Et puis j'ai repensé à la requête de mon père : finir le Coran avant qu'il meurt. A ce moment là il était inconscient, je me suis détachée de ma mouima, j'ai prit une chaise que j'ai mit à côté de son lit. J'avais beaucoup avancé dans ma lecture du Livre Saint durant son hospitalisation alors il ne me restait pas beaucoup de sourate à lire mais je voulais absolument les finir. Je l'ouvris et j'ai commencé à lire, encore et encore à haute voix. Ma famille pleurait derrière moi, moi j'étais dans ma bulle, je ne voulais que lire pour mon père, pour accomplir sa dernière volonté. Des larmes coulaient sur mes joues mais je me forçais à lire en gardant une voix nette. J'étais arrivée aux petites sourates, à la fin du Coran quand mon père bougea, je me suis arrêtée dans ma lecture et je me suis levée :
- Papa ?
- Lis ma fille, continues, Allahi htek rda

Je me suis rassise, soulagée d'avoir entendu la voix de mon père. Je reprends donc ma lecture avec une voix plus stable, moins tremblante jusqu'à la dernière sourate, Al nas (Les hommes)

Je posai alors le Coran sur la table de nuit de mon père, et je n'osais même pas le regarder. Tout le monde c'était mit autour de son lit, moi j'étais restée assise à regarder mes pieds.
- Barak Allahou fik Nouihma pour ta lecture, qu'Allah te récompense de ce que tu as fait pour moi
- Amîn...
- Qu'est ce qu'elle a ma fille ? Elle est triste ?

Je ne répondais pas, je limitais mes paroles afin de ne pas craquer, de ne pas fondre en larmes devant lui. Adil répondit pour moi :
- Mais nan, elle est forte ma sœur, elle est pas triste.

Je n'ai pas put retenir mes larmes et j'ai dit :
- Je suis pas forte, sans mon père je suis faible, je veux pas que tu partes papa, s'il te plaît papa, s'il te plaît !!
- Viens là.

Je me suis approchée de lui et je l'ai regardé attentivement. J'ai regardé la tâche sur son front qui s'est formé à force de prosternation et d'amour pour le Tout Puissant.
- On a de la chance Naïma, on a été préparé à ça, d'autres sortent de chez eux et ne rentrent jamais. Nous Allah nous a préparé et nous a éprouvé. Il t'a éprouvé toi mais Il m'a aussi éprouvé moi à travers toi, et grâce à ce que tu as vécut et ce que tu a fait pour moi j'ai beaucoup plus de chance d'entrer au Paradis.
Je n'ai pas répondu tout simplement parce que je ne comprenais rien et il avait rajouté :
- Un jour tu comprendras in cha Allah.
Aujourd'hui j'ai comprit grâce à ma quête de science car un jour je suis tombée sur ce hadith :

D'après Abou Hourayra (qu'Allah l'agrée) que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) a dit :
« Le croyant et la croyante ne cesseront de subir des épreuves à travers leurs personne, leurs enfants et leurs biens au point de rencontrer Allah complètement débarrassés de péchés. »
Rapporté par Tirmidhi

- Je t'aime papa
- Je t'aime aussi ma fille, je vous aime tous mes enfants.
Adil – Nous aussi papa on t'aime, tu vas nous manquer.

Ses yeux s'étaient humidifiés, ils brillaient mais ne pleuraient pas. Mes belles sœurs, elles, pleuraient encore et encore, moui Hafida aussi et Hammi Lhousine avait les larmes aux yeux. Il s'adressa à mon père :
- Mon frère je serais toujours là pour tes enfants.
- Les garçons ils sont grands maintenant, c'est des hommes mais faites attention à ma Naïma, elle est tellement jeune. Mariez là avec un homme bien qui la mérite in cha Allah. Je veux qu'elle soit heureuse et qu'elle est de beaux enfants in cha Allah. Je vous la laisse, prenez en soin. Kamel ?
Kamel – Oui papa ?
- Toi aussi in cha Allah tu vas te marier avec une femme bien, respecte les filles, ne te joues pas des filles des autres parce qu'un jour on jouera avec ta fille ou ta sœur. La roue tourne toujours alors respectes les femmes d'accord wouldi ?

Il fit signe que oui de la tête, mon père donna ses recommandations à tout le monde, et il insista maintes et maintes fois sur le fait que jamais, sous aucun prétexte nous devrions abandonner la prière en nous répétant qu'elle est la clé du Paradis.
Walid et Nacer étaient également là, Hakim me tenait la main fermement pour me montrer son soutient. C'était tard dans la nuit, mon père nous regarda avec un sourire et nous dit :
- C'est l'heure, ina li Llah wa ina ileyhi rajihoune (c'est à Allah que nous appartenons et c'est vers Lui que se fera notre retour) rdit hlikom a ouladi (mes enfants).

<< Mais qu'est ce qu'il raconte ? Qu'est ce qu'il dit ? Il ne peut pas me faire ça maintenant, je ne suis pas prête ! >>

L'index de sa main droite se leva vers le ciel et il prononça :
- Ach'hadou an la ilaha ila Allah, wa ahdahou la charika Llah, wa ach'hadou ana nabiyana wa habibana Mohamadan Rassoul Allah (Je témoigne qu'il n'y a pas d'autre divinité que Dieu unique et sans associé et J'atteste que notre bien aimé Mohamed est son serviteur et Son envoyé!"

La machine reliée à son cœur fit un « BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII » strident, sa main retomba, son index était resté debout, ma famille pleurait, Hakim était en larmes et me prit dans ses bras. Moi je ne pleurais pas, j'étais là sans être là, comme si mon âme voulait suivre celle de mon père. Le médecin entra dans la chambre, déclara l'heure du décès de mon père à une dame qui le nota sur un papier. Moui Hafida répétait :

- Ina li Llah wa ina ileyhi rajihoune.

Je me suis approchée du corps désormais sans âme de mon père et j'ai prit sa main droite, j'ai embrassé son index et je demandais à Allah au plus profond de moi de lui ouvrir les portes du Paradis et de lui faire Miséricorde. Son visage était toujours apaisé, il ne semblait pas souffrir, mes yeux étaient secs, j'étais là sans être là, je me rappelle juste que les autres pleuraient, moi je ne parlais pas. Le médecin recouvrit le visage de mon père d'un drap.

Seigneur! Ce mort est Ton serviteur, le fils de Ton serviteur et de Ta servante... Il a quitté les plaisirs du monde, ceux qu'il aime et ses amis et il descendra dans l'obscurité de la tombe et affrontera seul les épreuves du tombeau. Il attestait qu'il n'y a de divinité que Toi sans associer personne et que Mohammad (SAWS) est Ton serviteur et Ton Envoyé, Tu le connais mieux que nous. Seigneur! il est devenu Ton hôte et Tu es le meilleur des hôtes. Il a besoin de Ta Miséricorde mais Toi, Tu peux lui éviter Ton châtiment: Nous venons à Toi pour intercéder en sa faveur, et pour implorer Ton pardon. Seigneur! S'il a fait le bien augmente en la rétribution, s'il a fait le mal, montres Toi indulgent à son égard! Seigneur! Exempte-le de l'épreuve de la tombe et de ses supplices. Reçois-le en paix par Ta Miséricorde jusqu'à sa résurrection dans Ton Paradis. Seigneur! Pardonne-lui accorde lui Ta Clémence, réserve-lui un accueil généreux, lave-le avec de l'eau, et de la glace, purifie-le de ses fautes comme l'étoffe blanche est purifiée de toute souillure. Donne-lui en échange une demeure meilleure que la sienne, une famille meilleure que la sienne.

"Ô Seigneur ! Pardonne à nos vivants et à nos morts, aux présents et aux absents, aux jeunes et aux vieux, aux hommes et aux femmes. Ô Seigneur ! Celui d'entre nous que Tu maintiens en vie, fais-le vivre sur la voie de l'Islam et celui d'entre nous dont Tu as repris l'âme, fais-le mourir dans la foi. Ô Seigneur ! Ne nous prive pas de sa récompense et ne nous égare pas après sa mort."

"Ô Seigneur ! Il est Ton esclave, fils de Ton esclave (féminin), il a besoin de Ta miséricorde et Tu n'as nul besoin de son châtiment. S'il était bienfaiteur, augmente-lui le nombre de ses bonnes actions et s'il était pécheur alors pardonne-lui."

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant