chapitre 24

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J'avais passé plusieurs heures au téléphone avec Newt, et entendre sa voix m'avait fait un bien fou. J'avais failli me mettre à pleurer en l'entendant prononcer mon nom. Malgré ça, mes inquiétudes avaient redoublées. Newt n'était pas dans son état normal, je le savais. Sa voix était pâteuse, ses idées confuses, ses phrases sans fin, et de temps en temps, il ne répondait plus. Comme s'il ne m'entendait pas. Je savais ce qui se passait de l'autre coté de fil, mais il n'avait voulu me donner aucune information sur le lieu où il dormait, et m'avait dit qu'on ne se reverrait pas. Ça m'avait fait un mal de chien de l'entendre me dire ça.

Je suis finalement sortis vers minuit, faire ce foutu jogging. J'en avais besoin, et Newt le savait. Il me connaissait presque autant que moi, alors qu'une vingtaine de jours, ce n'est pas grand chose. Je préférais compter ces moments en heures. Il savait que je courrais pour oublier les emmerdes et ne plus penser à rien sauf à l'instant présent. Je suis allé à Trafalgar, puis j'ai couru jusqu'à Big Ben. J'ai traversé le pont, et je suis arrivé devant le London Eye les poumons en feu à cause du grand nombre de cigarettes fumées en un mois. J'avais l'impression de voir Newt partout. Marchant debout sur ce rebord, courant sur ces marches d'escaliers, assit sur ce banc. Je n'arrivais pas à me le sortir de la tête, c'était impossible. L'inquiétude me rongeait de l'intérieur.

Newt

J'étais complètement défoncé, et pourtant je me sentais merveilleusement bien. Je venais d'avoir Thomas au téléphone, et honnêtement, je ne pensais pas qu'il me manquait autant. J'avais volé ce portable à un gars dans le métro, et avec le peu de thune que j'avais récolté dans ce gobelet en plastique, j'avais réussi à acheter une carte pré-payée. Je sais, ça aurait été beaucoup plus simple de sonner à sa porte au lieu d'acheter un Starbucks et une carte de téléphone, mais c'était surtout au dessus de mes forces. Je savais que Thomas n'allait plus au boulot depuis quelques temps, car je passais le matin devant chez lui, juste comme ça. Je m'étais installé dans une station de métro car je savais que Thomas détestait les transports en commun, et qu'il prenait celui de Trafalgar uniquement s'il pleuvait des cordes.
Oui, la vie était redevenue dure et merdique depuis que j'étais partis, mais je ne pouvais pas me plaindre, il avait essayé de m'en empêcher, c'était ma décision.
À bien y réfléchir, je n'avais plus aucune raison d'être. Je ne retrouverai pas de travail, je n'ai plus de famille, pas d'ami, pas de toit, j'avais chassé la seule personne qui comptait pour moi.
Thomas me manquait. Pas seulement sa présence, tout de Thomas me manquait en réalité. Ses bras m'entourant quand il me réconfortait, son sourire, ses chocolats chauds, la vision de son torse parfaitement sculpté en sortant de la douche, ses yeux, sa voix. J'avais besoin de lui, et pourtant je n'avais pas le droit de succomber. Pour lui, bien plus que pour moi.

Je repensais à la dernière fois que l'on s'est vu. À notre dernière engueulade. À cause de Teresa, toujours là à me pourrir la vie, celle-là. Je m'étais dit que Thomas avait peut-être raison, que je devrais aller voir si son enfant était de moi ou non. Ça n'aurait pas été difficile à deviner, Minho est mon extrême opposé : brun, et asiatique. Mais non, je n'ai pas eu les couilles de m'y rendre.

Je me suis allongé sur ce sol dégueulasse, puant la pisse, et j'ai fixé le plafond de la station. J'ai commencé à compter les briques blanches qui s'alignaient devant mes yeux, parce que je n'avais rien de mieux à foutre. La drogue me grillait le cerveau petit à petit, et je ne savais pas si c'était une bonne chose. Elle était là pour me faire oublier Thomas, et au final j'étais incapable de faire autre chose que de penser à lui. Le clochard à côté de moi s'est mis à ronfler bruyamment vers deux heures du matin d'après mon téléphone, et soudain cette station est devenue insupportable. Il fallait que je parte, simplement pour faire un tour. Je me suis levé difficilement, et je suis sortis. Le froid ne me surprenait même plus. J'ai marché jusqu'à ce banc face à la grande roue, et une vague d'émotions m'a envahie. J'ai continué ma route en luttant contre les larmes, et je suis allé jusqu'à Oxford Street, ce qui à pieds avec une jambe boiteuse met pas mal de temps. J'ai tourné à Regent's, et je me suis retrouvé devant le restaurant où Thomas m'avait emmené. C'est ici que j'ai cru que tout pouvait redevenir normal, que j'avais enfin trouvé un ami. J'ai continué ma route, tellement longtemps que je me suis retrouvé devant chez Teresa. Qu'est-ce que je foutais là? Aucune idée, demandez à mon subconscient. Je n'allais pas sonner ni tenter quoique-ce soit, non. Je me suis assis sur le trottoir d'en face, et j'ai regardé la maison de la personne qui avait ruinée ma vie. Je l'ai observé tellement longtemps que les premiers rayons du soleil commençaient à apparaitre. Je me suis relevé, et j'ai longé la rue pour me retrouver devant la maison de la fraternité. Tu nous fais un genre de pèlerinage, c'est ça? Là où ma vie s'est effondrée. Là où j'ai reçu ce putain d'appel qui faisait de moi l'homme le plus seul au monde. Je suis repartis vers 5h, pour me retrouver devant chez Thomas. Là où tout s'est terminé. Où le cauchemar à appuyé sur le bouton pause pour faire place au rêve quelques jours, avant de reprendre le dessus. Là où l'homme qui aurait pu faire de moi quelqu'un de nouveau dormait probablement. J'ai regardé l'endroit où était son balcon, et je l'ai vu. Il était là, appuyé contre la rambarde le regard dans le vide. Après quelques secondes à l'observer de loin, il a tourné la tête dans ma direction et je me suis enfuie.

Cette nuit là, je n'ai pas fermé l'oeil. Cette nuit là, j'étais sûr de mon choix.

I Hated The Place, Tommy.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant