Chapitre 26.

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J'ai couru aussi vite que j'ai pu, mais en arrivant face à lui, j'ai été comme pétrifié. Il marchait d'un air paisible sur le rebord du pont, certains passants s'arrêtaient pour voir ce qu'il se passait, et la pluie ne s'était toujours pas arrêtée. Il pouvait glisser à tout moment.

- Newt... J'ai bredouillé, mais avec tout ce vacarme il n'entendait rien, et continuait de marcher tête baissée. Newt ! J'ai dis un peu plus fort, et il a tourné la tête vers moi.
- Vas-t'en Tommy.
- Pas sans toi.

Tout mon corps tremblait. J'étais terrorisé à l'idée qu'il puisse tomber, qu'il puisse vouloir tomber. Un pas, un mot de travers et c'était la fin.

- Je t'en supplie Newt, descends. Tu pourras m'expliquer, tout me dire.
- Tu ne comprends rien, Thomas.

Sa voix se brisa, des larmes dévalaient ses joues, se mêlant aux gouttes de pluies ruisselants de ses cheveux.

- Tu ne comprends rien, et moi, je ne peux pas l'expliquer ! Ça ne marche pas comme ça ! Tu crois que tu peux débarquer dans ma vie et tout effacer ? Tout guérir ? Tu crois que tu peux vouloir de moi dans ta vie, uniquement quand ça te chante?
- Newt...
- La ferme Thomas ! Je n'ai plus aucune raison de rester ici, de me battre pour des choses qui n'arriveront jamais. Je sème le chaos partout où je passe. Tu crois que je vais mieux parce que je rigole avec toi? Que j'ai l'air d'un mec normal, et pas d'un minable drogué qui a tout perdu par fierté? Non. Je ne vais pas mieux Tommy, non. Je suis juste devenu meilleur pour le cacher.

Son pied glissa légèrement sur le rebord, mon sang ne fit qu'un tour. Il fallait que je fasse quelque chose avant qu'un drame n'arrive. Il disait tout ça parce qu'il n'avait plus d'espoir, plus la force d'espérer. Mais moi, j'avais la force d'espérer pour deux. Newt tourna les talons et commença à marcher doucement vers la droite, à l'opposé de moi. Allé Thomas, tu peux le faire. Bouges-toi un peu !
J'ai pris une grande inspiration, mes mains et mes bras tremblaient comme jamais auparavant, et je suis doucement monté sur le rebord du pont. Ne regardes pas en bas, surtout pas en bas! Mais bien évidemment, mon regard à dévié vers le vide.

- Oh putain.. J'ai murmuré en me rendant compte de ce que j'étais en train de faire.

Mais quel con. Je me suis lentement relevé, et j'ai regardé le dos de Newt qui lui, continuait de marcher. Allez, avances bordel ! Un pas devant l'autre, j'ai réussi à atteindre Newt et à lui attraper doucement le poignet pour ne pas lui faire peur. Il s'est arrêté de marcher, et s'est retourné légèrement surpris vers moi.

- Qu'est-ce que tu fous? Je pouvais y lire la peur dans ses yeux. Mais elle n'était pas pour lui, elle était pour moi. T'es complètement con de risquer ta vie pour moi ou quoi?
- Peut-être bien.

Je m'étais arrêté de pleurer, non pas parce que la peine et la douleur étaient partit, au contraire, mais parce que la peur de tomber m'en empêchait. Mon cerveau était concentré uniquement sur le fait de rester stable, pour nous sauver tous les deux.

- On peut y arriver Newt. Ensemble, on trouvera une solution. T'es pas tout seul, tu le sais. Je ne fais pas ça par pitié, ça aussi tu le sais. Ça peut mettre quelques mois, ou plusieurs années, mais on y arrivera. Alors maintenant, je t'en supplie, oublies ce que tu t'apprêtes à faire et descends de ce putain de pont. J'achevais ma phrase mon regard planté dans le sien, ma main toujours sur son poignet et mes jambes tremblants de plus en plus.

Il n'a rien dit, alors je suis descendu le plus prudemment possible sans lui lâcher le poignet, et je l'ai regardé. La décision ne tenait plus qu'à lui désormais. J'avais tout tenté, sauf le faire descendre de force mais je savais que ça ne marcherait pas. Non pas parce que Newt est plus fort que moi, bien au contraire, mais parce qu'il se braquerait et sauterait sans même un regard vers moi.

Newt

Et s'il avait raison?

Ça me faisait chier de l'admettre, mais Thomas avait peut-être raison, il y avait encore une once d'espoir. J'avais encore quelqu'un sur qui compter, et il venait de me le prouver en affrontant sa peur du vide, même pour quelques minutes. J'ai relevé la tête vers le brun qui se trouvait à son plus grand soulagement sur la terre ferme, et j'ai lu dans ses yeux. J'y ai lu de la peur, celle de me perdre. J'y ai lu quelque chose d'indéchiffrable, que je ne pouvais pas expliquer. Il tenait mon poignet avec force et douceur à la fois, je savais qu'il me laissait prendre ma décision et j'avoue qu'elle n'était plus aussi évidente maintenant. De tout ce qui m'était arrivé ces dernières années, Thomas en était la plus belle. C'était comme un rayon de soleil dans ce ciel si sombre. Comme une lueur dans mon néant.

Sa main a lentement glissé jusqu'à la mienne, son regard toujours planté dans le mien.
Thomas était quelqu'un de bien, de trop bien. Mes larmes ont redoublées de plus belle quand j'ai compris que non, je ne pouvais pas lui faire ça.

- Je suis désolé, Tommy...

Je ne pouvais pas lui infliger une telle souffrance. J'ai lâché sa main et j'ai vu les larmes dévaler ses joues en une fraction de seconde.

- Vas-t'en, je t'en supplie...
- Newt...
- Si tu es vraiment mon ami, pars.

Il est resté là quelques secondes la bouche ouverte, ne sachant quoi me dire. J'avais tellement mal. Tellement que je mourrai avant de toucher l'eau. Mon coeur lâcherait non pas à cause du choc, mais à cause de toute la douleur que je ressens à cet instant précis.

Thomas m'a regardé une dernière fois avant de se retourner en larmes et une main sur sa poitrine et je me suis forcé à me tourner vers la Tamise. J'ai pris une grande inspiration, et levé un pied vers le vide. Newt, ne fais pas ça. Il était déjà trop tard. Rien n'est jamais trop tard, Thomas est ton espoir.
J'ai fermé les yeux et mon cerveau m'a repassé chaque moment vécu avec Thomas. Aussi bien les mauvais que les bons. En sautant, je lui épargnais la souffrance qu'il subirait en essayant de me réparer. Et tu lui infligerais la perte d'un ami.

Thomas

Il fallait que j'accepte son choix, je ne pouvais plus rien faire pour l'en empêcher. Me retourner et l'abandonner est et sera la chose la plus dur que j'ai eu à faire dans ma vie, mais c'était ce qu'il souhaitait. Mes pleurs ne s'arrêtaient pas, j'avais du mal à respirer. Je n'avais jamais ressenti une telle douleur, j'avais l'impression que j'allais mourir. J'ai perdu tout repère, c'était comme si je fonctionnais au ralenti et les gens à mes cotés paraissaient courir. J'étais surpris que personne n'ai songé à appeler les secours, peut-être que les gens pensaient comme moi. Qu'ils savaient que ça ne changerait rien, que ça ne ferait qu'empirer la situation. Je n'arrivais plus à marcher, mon cerveau venait de comprendre, de réaliser que Newt s'apprêtait à sauter. J'ai fermé les yeux et serré les poings contre mon torse si fort que le monde s'est arrêté autour de moi. Je ne pouvais pas le laisser faire ça.

J'ai rouvert les yeux et me suis retourné rapidement en criant.

- Newt arrêtes ! Mais personne n'était sur le pont.

C'était fini.

I Hated The Place, Tommy.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant