~ Chapitre 14 ~

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Il est là. Allongé dans le lit qui me fait face. Je n'ose pas m'approcher. Il semble dormir paisiblement. Je m'avance d'un pas, puis de deux. Un carnet est posé sur une petite table ronde. Je le saisit et l'ouvre.

Nom : Gabriel
Age : 17 ans
Date de naissance : 3/01/2000
Trouble : Coma faible. Peut se réveiller d'un instant à l'autre.
Cause : Attaqué dans la montagne (d'après ce qu'on nous a raconte) source non sûre.
Traitement :

Aucun traitement n'est annoncé.
''Source non sûre''... je me sens agressée. C'est vrai que j'ai du passer pour une folle l'autre jour... je suis arrivée en dévalant la montagne, les cheveux emmêlés, écorchée de partout...
''Coma faible. Peut se réveiller d'un instant à l'autre'' maintenant comme dans trois mois. Maintenant... j'aimerai tellement ! Le bip-bip de l'appareil auquel est branché Gabriel indique que son coeur bat normalement.
Je me laisse glisser sur le fauteuil en poussant un soupir que je voulais discret. Le siège de décale en grincant.
Biiiiiiiip biiiiip bip bip bip
Quand le vacarme que j'ai entraîné s'est produit, le coeur de mon ami semble avoir changé de rythme puis être retombé facilement comme avant. Le mien accélère.
《Réveille-toi, réveille-toi !!》Tout en moi le crie à Gabriel.
Au bout d'une vingtaine de minutes, je me lève et m'approche de lui. Je doit partir.
4h54. L'hôpital s'éveillera vers 5h30 et il faut encore que je trouve la sortie.
Je suis plus proche de lui qu' je ne l'ai été depuis que je suis arrivée.
Je sens une larme couler de mes yeux et le glisser sur ma joue. Je me rend compte de ce qu'il a dû endosser par ma faute, de la baston qu'il a dû mener seul, à cause de moi. Je me hait.

Sa joue gauche est fragmentée par une longue cicatrice fraîche qui part du bas du front jusqu'au centre de sa joue. La blessure vient d'être recousue. Sa lèvre inférieure est abîmée et rouge de sang. Son bras droit est entouré d'un bandage couvrant sur l'avant bras, un long pansement épais. Je lève les yeux vers une fiche, scotchée sur un carton c'est une sorte de liste.

Blessures du patient :

- Plaie joue gauche
- ouverture crâne
- Plaie béante et profonde sur l'avant bras droit (2,3cm de profondeur)
- Hématomes sur tout le corps
- nombreuses echymoses le long des bras et des jambes.

Je suis horrifiée. Tant de blessures à cause de moi. C'est de ma faute ! Il s'est sacrifié pour me sauver. Je ne mérite même pas d'être encore en vie. Je me hais.

Mes yeux retombent une fois de plus sur son visage. Quelque chose a attiré mon regard. Je me rend soudain compte qu'il a bougé. Son bras droit est déplacé. Ses paupières bougent. Les battements de mon coeur s'accelerent de plus belle. Il y a quelques instants, j'aurai donné n'importe quoi pour qu'il s'éveille, mais à présent, je ne veux plus lui parler. Je n'arriverais pas à le regarder en face, sachant très bien que c'est moi qui l'ai envoyé sur ce mot d'hôpital. Je recule apeurée. Je fais volte face et rejoins la porte. Je pose la main sur la poignée. Je n'ai a peine le temps de la baisser.
《Où tu vas ?》
Un frisson parcourt mon corps. Je me fige.
《S'il te plait...》Sa voix tremble. Lui qui semblait si fort, imbattable...
Je respire fortement et me retourne vers lui. Il me regarde, allongé, et plonge ses yeux dans les miens. Une expression surprise, désolée. Ses sourcils se haussent et son regard se fait tendre. Il est gêné et regarde autre part.
《Je... désolé..
-hein ?》c'est à mon tour d'être surprise.
《Tu... faire pleurer les filles c'est pas vraiment, disons, très plaisant pour moi.
- Quoi ? Mais, je...》
Je prends soudain conscience de la larme qui me coule sur la joue et tombe entre mes lèvres.
《Merde !》 J'ai chuchoté mais il m'a entendue. Un sourire timide se dessine sur ses lèvres.
《Ça va ?
- Oui oui très bien, lui menté-je.
- Mmmh
- Quoi ?
- T'es pas crédible.》
Gabriel se redresse et arrache ses capteurs, ses perfusions et tout ce qui est attaché à son corps.
《Arrête, qu'est ce que tu fait ?
- J'ai pas besoin de tout ça moi.
- Bien sur que si, tu sort à peine du coma ! Lui dis-je alerte.
- Pfff t'as cru à ça ? Et retire moi cette tête on dirai que tu viens de perdre ta mère !》
Je me fige. Lui de même. Il tourne la tête vers moi, horrifié de lui-même. Cette fois je ne les retiens pas. Les larmes jaillissent de mes yeux, j'ai l'impression d'être une fontaine. Collée contre la porte, je me laisse glisser au sol. Aucun son ne passe mes lèvres. Flûte, merde !! J'en ai marre, raz-le-bol de pleurer tout le temps.
《Oh pardon, pardon, pardon, je suis désolé je voulais pas... j'ai pas fait exprès de...  je ne savais pas...》
Il se lève d'un coup et accourt vers moi. Il s'accroupit et me relève la tête qu'il prend entre ses mains.
《Je suis désolé, vraiment, pardonne-moi, excuse-moi s'il te plaît !》
Cette fois je sanglote pour de bon. Il me regarde, hésitant, et me prend dans ses bras. Je me laisse câliner ainsi, pleurant à chaudes larmes dans ses bras. J'y reste, me semble t'il, une éternité. Je me sens soudain mieux, en sécurité. Ses grands bras musclés sont fort et chaleureux, accueillants. Je ne veux pas qu'il me lâche. Je voudrais rester là le plus longtemps possible toute ma vie, la finir ici. Mais Gabriel relâche son étreinte et me murmure à l'oreille.
《Allez, il faut que tu y ailles.
- Mmmh...
- Il est a peu près cinq heure et demi, les infirmiers vont pas tarder à passer pour donner les traitement etc. Il faut vraiment que tu file.》
Je me relève difficilement.
《Ne reviens pas en pleine nuit comme ça. On pourrait te prendre. Attend les jours de visite.》
J'acquiesce et lui promet de ne revenir que dans deux jours, quand il me sera autorisé de le visiter. Je sort de la pièce et cherche la sortie sans faire de bruit.

Une fois dehors, je m'appuie contre le mur vitré, et me laisse glisser le long de la paroi. Une boule se forme dans ma gorge. J'ai l'estomac noué. J'ai un mauvais pressentiment. Cela a beau être impossible, mon instinct me le crie.

J'ai l'impression que je ne le reverrai pas.

EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant