~ Chapitre 11 ~

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Je me hais, je me déteste.
Je suffoque.
J'ai peur.
J'entends.

     Je me hais parce que je suis tête en l'air et têtue. Je n'aurais pas du partir sans Gabriel. Je suis minable. Je l'ai brimé alors qu'il a certainement ses raisons. J'aurais dû l'écouter. Mais rien de tout ça ne serait arrivé si je n'avait pas oublié mes affaires.
Je suffoque parce que je cours depuis au moins quinze minutes sans m'arrêter, trop vite et sans aucun échauffement le précédant.
J'ai peur parce qu'il fait noir, que je court sans savoir où je vais. Peut être qu'au lieu de m'éloigner de la forêt je ne fait que m'en rapprocher.
J'entends parce que oui, j'entends. Je sais qu'il y a quelqu'un derrière moi qui court à ma poursuite. Il attends sans doute que je m'épuise, que je tombe. Je suis épuisée et j'ai peur de tomber.

     Comme toujours, j'ai des milliers de questions en tête. Qui ? ou Quoi ? Pourquoi ? Où ?
C'est surtout cette dernière question qui semble la plus importante. Où suis-je, où vais-je. Je ne sais pas.

     Je me prend les pieds dans une branche et tombe.
Sans le bruit de mon souffle saccadé, sans le son de ma course effrénée, c'est le silence. J'aime le silence. Pas celui-là. Celui-ci me fait peur. Je sens qu'il y a quelqu'un pas loin.
Le silence n'est troublé que par une seule chose. Un bruit de pas assourdit par la neige. Comme si on s'approchait. Les pas ralentissent. Il fait noir je ne voit rien mais je pense que la chose me voit.

     Mon portable. Il est dans ma poche depuis tout à l'heure. Il y a une application lampe de poche. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Je suis surprise de ma propre bêtise.
Il y a un problème. Si il ne me voit pas, dès que il appercevra ma lumière, il me repérera. Tant pis. Je prend le risque.

     Plus aucun bruit. Rien. Personne. Seulement moi et la neige. La neige ? Il n'a pourtant pas neigé ces derniers temps ou en tout cas pas en ville. J'en conclus que je me suis beaucoup éloignée. J'ai pourtant l'impression d'être revenue sur mes pas...
Il n'y a personne, c'est le plus important. Pas de traces dans la neige, seulement les miennes. Pourtant je suis certaine qu'il y avait quelqu'un. Après tout, la lumière de mon téléphone n'est pas très forte, elle n'éclaire qu'à un mètre autour de moi environ. J'en profite pour regarder l'heure. 21h02.

     Je pense soudain à tout autre chose. Papa à dû s'inquiéter. Et Benjamin... je commence à paniquer et me rend compte de ce qui m'arrive.
Je récapitule.
Je suis perdue, il fait noir, je ne sais pas où je suis et dans quelle direction je doit aller. La seule lumière que j'ai est celle de mon portable qui n'a que 24% de batterie. Personne ne sait où je suis, il n'y a pas de réseau, je tremble de froid. Et le pire ; je suis certaine que quelqu'un me suivais à peine 1 minute plus tôt, mais à présent je ne vois personne.

     Ça y est. Je l'entends de nouveau.
Je me relève non sans difficultés et me remet à courrir. Une douleur me prend à la cheville que j'ai du me tordre en trébuchant. Je ne pourrais pas courrir des kilomètres comme ça. J'ai de plus en plus peur. Pourtant, j'ai beau être en pleine course, je me perd dans mes pensées.

     Je me souviens que maman avait vécu une histoire semblable. Quand elle était petite, elle habitait comme nous, en dehors de la ville. Un jour, elle a décidé de rentrer toute seule, à pied, sans attendre que quelqu'un vienne la chercher à l'école. Elle s'était perdue dans la montagne et y avait même passé la nuit. Mais elle n'avait pas pleuré. Du haut de ses 13 ans elle avait été courageuse.
Moi qui en ai bientôt 17, je ne suis pas capable d'un peu de bravoure. J'ai honte de moi même.

     Je sens une chaleur m'envahir tout le corps. Je me sens plus forte. J'essuie mes quelques larmes et accélère ma course. Je décide de tourner à droite. Une pente. J'ai donc dû monter dans la montagne sans m'en rendre compte, après avoir laissé Gabriel. J'aperçois avec un bonheur extrême, les lumières d'une ville. J'espère que c'est Jackson Hole, même si d'ici je ne reconnait rien.
J'accélère encore et me rend soudain compte que la distance me séparant de la petite ville est beaucoup plus grande que je ne le pensais. Cela fait bien 5 minutes que je court pourtant rapidement, mais elle semble toujours aussi éloignée. Je pense que je ne pourrais pas l'atteindre avant au moins une heure. Je me serais épuisée d'ici là. Et la batterie de mon portable aura eu le temps de se vider. Le nombre de sapins m'entourant augmente de plus en plus, j'arrive dans la forêt. Dans le désespoir qui me prend, je ne voit pas l'arbre devant moi se rapprocher dangereusement. Au dernier instant je l'esquive mais mon pied heurte contre une racine et je tombe à terre.

     Je me retourne et reflechis. De toute façon j'ai trois solutions : la première, je ne suis qu'une froussarde et je ne me suis imaginé que quelqu'un me suivait. Deuxièmement, si il y a quelqu'un, je court vers la ville et l'atteindrait d'ici une heure, si je garde cette vitesse. Et enfin, je reste ici et fait face au danger.

     Je réfléchis très rapidement, étonnée par mon propre calme. Je préférerais sincèrement la première solution mais trop de choses me prouvent le contraire. La deuxième, bien qu'aussi dangeureuse que la dernière, le semble impossible. Je serais épuisée avant et il me rattrapera. De plus, je me sais incapable de courrir encore aussi longtemps. Si je reste ici et que j'éteinds ma lumière, peut être qu'il ne me verra pas... Je n'ai sans doute qu'une chance sur mille mais si je n'ai pas de meilleure idée autant décider de la tenter. Ce que je fais.

     Une fois mon téléphone éteins, je me retrouve seule dans le noir et le silence, chacun brisés par une unique chose : la lune, qui est pleine et ronde, et des bruits de pas. Je cligne des yeux de nombreuses fois, avant qu'ils ne réussissent à s'habituer. Je distingue quelque chose à quelques mètres de moi. Une grande masse sombre mouvante. Si je n'avais pas distingué des bras et des jambes, j'aurai cru à un ours. L'homme semble chercher quelque chose. Sans doute moi.

     Le silence est soudain rompu. Il y a quelques instants, il y avait seulement de petit bruit lorsque les chaussures de l'homme s'enfoncaient dans la neige, mais là, un second bruit semble soudain plus fort, comme si quelqu'un courrait. Le son survient de derrière moi. L'homme se fige et se tourne dans ma direction. Je ne bouge pas, de peur d'attirer son attention sur moi. Pour l'instant il n'a pas l'air de me voir. Je n'ose même pas me retourner afin de connaître l'origine du bruit qui fait soudain rejaillir la peur qui s'était tapie au fond de moi.
Le son s'arrête d'un coup. L'homme devant moi semble soudain me voir.

     Il s'approche de moi.
Je tremble de peur. Tout mon courage est parti.
Il est de plus en plus près.
Figée de terreur, je ne peux plus bouger.

EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant