Rêveries nocturnes

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Allongé sur son lit à la Couveuse, Egan ne trouvait pas le sommeil. Les trois garçons qui partageaient sa chambre dormaient depuis longtemps. En cherchant une position plus confortable, il repensa à la proposition que Chevis lui avait fait quelques jours plus tôt. S'il acceptait de reprendre l'exploitation agricole, il serait son propre chef et deviendrait responsable de la centaine d'ouvriers qui travailleraient sous ses ordres. Les seuls comptes qu'il aurait à rendre à l'Administration concerneraient les livraisons de sacs de céréales et le nombre de mises bas au sein des troupeaux. Il embaucherait des apprentis pour prendre en charge les travaux pénibles et il les laisserait rédiger les comptes-rendus de la journée à sa place. Il pourrait se promener où bon lui semble sans que personne ne lui fasse de reproches. Enfin, il passerait sa vie dans les marais, le seul endroit au monde où il se sente chez lui. Et il s'y ennuierait à mourir. L'idée même de ne jamais quitter cette planète, où chaque jour ressemblait invariablement au précédent, le déprimait au plus haut point.

Il soupira et se tourna vers la fenêtre. Comment ses camarades faisaient-ils pour dormir aussi paisiblement avec cette chaleur ? Il ferma les yeux et son fil de pensée fut instantanément parasité par un flot d'images inconvenantes. La grange numéro huit. Les lèvres de Dennar se posant sur les siennes. Deux langues qui s'entremêlent. Des caresses enivrantes... Egan rouvrit brusquement les yeux et se ressaisit. Ces souvenirs ne le laissaient pas indifférent, loin de là. Il inspira profondément et essaya en vain de se détendre.

Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il se livrait à de tels jeux. Depuis quelques temps, il remportait un succès certain auprès des jeunes femmes de la ferme et de la Couveuse. Il pensa à Ophénie, une élève sublime aux courbes affolantes. Elle l'avait snobé pendant des mois avant qu'il la convainque de le rejoindre dans l'une des salles de classe à la tombée de la nuit. Quand il lui avait ouvert la porte, elle s'était jetée sur lui et ils avaient fait l'amour debout contre le mur. Elle avait de longs cheveux roux qui retombaient en boucles sur son front lorsqu'elle s'abandonnait dans ses bras. Et Miràl, qu'il avait rencontrée à la ferme. Elle s'occupait de la santé des animaux, avait presque deux fois son âge et le dépassait en taille. A plusieurs reprises, elle lui avait donné rendez-vous dans les champs après le service. La deuxième fois, les lunes d'Antagorria étaient pleines et le ciel était presque aussi lumineux qu'en plein jour. Ils s'étaient abrités dans une étable et avaient manqué de se faire surprendre quand l'une des bêtes avait commencé à mettre bas, réveillant la moitié de l'exploitation avec ses cris. Il sourit en se remémorant la scène, mais nota également que le souvenir de ces étreintes ne faisaient pas naître en lui d'émotion particulière. Il réalisa même qu'aucune de ses aventures passées, aussi agréables furent-elles, ne le troublait autant que ce qui s'était passé dans la grange avec Dennar. Quand il repensait au regard intense et presque animal de l'autre homme, à la force de son désir, à l'odeur de sa peau ou au contact de ses mains sur son corps, il en avait la gorge sèche et ne pouvait ignorer les réactions physiques que cela déclenchait inéluctablement. Il n'avait qu'un souhait, recommencer, que ce soit avec Dennar... ou avec un autre.

Antagorria [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant