La cellule

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La cellule dans laquelle il était enfermé était entièrement peinte en blanc. Les murs, le sol, le plafond, les toilettes et le lit étaient tous de la même couleur, reflétant l'éclairage des néons avec agressivité. Il n'y avait pas de fenêtre dans la pièce et une fois fermée, la porte devenait presque invisible. L'endroit était également insonorisé car il n'entendait aucun bruit venant de l'extérieur.

Egan remarqua une petite porte de placard accrochée en hauteur sur l'un des murs. Il s'en approcha, ouvrit le battant et trouva dans la cavité un bol de potage accompagné d'un morceau de pain. Comme il n'avait rien mangé depuis la veille, il se servit et but la soupe d'un trait. Quand il reposa le bol à sa place, un mécanisme se déclencha, le remplissant à nouveau. Un distributeur automatique devait être monté derrière le mur. Ce n'était pas de
la grande cuisine, aussi Egan n'en reprit-il pas. Il tourna en rond pendant quelques minutes avant de s'asseoir au bout du lit. Les effets de sa nuit blanche commençaient à se faire sentir. Un baillement, puis deux, lui échappèrent. Bien que le matelas soit un peu trop dur et qu'il n'y ait pas d'oreiller, il s'endormit rapidement.

A son réveil, rien n'avait changé. La cellule était toujours aussi silencieuse et éclairée avec autant d'intensité. Egan se demanda si la lumière était totalement coupée la nuit, plongeant les occupants dans une obscurité intégrale. Il espérait ne pas rester suffisamment longtemps pour connaître la réponse à cette question. Il s'allongea sur le dos et repensa à la suite d'événements qui l'avait conduit jusqu'ici. Les reproches du directeur de l'école, la colère de Janelle, la visite surprise de Nyle, le vendeur de cigarettes... Par réflexe, il porta la main à la poche de sa chemise mais la trouva vide. Il avait laissé ses cigarettes à l'appartement avant de ressortir, ce qu'il regrettait maintenant car il en aurait bien fumé quelques unes pour calmer son anxiété.

Il se demanda combien de temps il avait dormi. Une vingtaine de minutes, plusieurs heures ? Il n'avait aucune indication, à part son estomac qui réclamait à nouveau à manger. Il se leva et alla se servir dans l'armoire. Le bol était toujours là, et le distributeur y déversa à nouveau du potage quand il le reposa après l'avoir vidé. Un morceau de pain était également présent, sans doute déposé par la machine pendant son sommeil car il ne l'avait pas entendu tomber. Egan se dit qu'avec un système d'approvisionnement entièrement automatisé, les prisonniers étaient forcément maintenus dans l'isolement, car à aucun moment les gardes n'avaient de raison d'intervenir. Il marcha jusqu'à la porte et frappa quelques coups hésitants :

- "Il y a quelqu'un ?"

Il n'obtint pas de réponse. Il frappa plus fort et haussa la voix, en vain. La cellule était-elle insonorisée dans les deux sens ? Cette pensée le mit mal à l'aise. Et s'il lui arrivait quelque chose, que se passerait-il ? Il étudia la configuration de la pièce qui, hormis le lit posé à même le sol, n'était pas meublée. Elle faisait presque la même taille que son appartement. Il soupira et se remit à tourner en rond.

Les heures défilaient et il se sentait de plus en plus nerveux. Il s'était assoupi une seconde fois et commençait vraiment à perdre la notion du temps. Faisait-il jour, faisait-il nuit ? Les lumières étaient encore allumées et Egan était maintenant convaincu qu'elles ne seraient jamais éteintes. Dans un moment d'exaspération, il s'était énervé contre la porte en réclamant les gardes. Celle-ci était restée close et personne n'avait réagi à son appel.

Pour s'occuper l'esprit, il se remémora des problèmes étudiés en cours de mathématiques et se lança dans une série de calculs mentaux complexes. Sa facilité avec les chiffres était une chance, car cette compétence était très recherchée à bord des vaisseaux intra-système. Hans Keller lui avait expliqué qu'en cas d'orages magnétiques, les ordinateurs de bord étaient désactivés et il était donc vital d'embarquer des pilotes en mesure d'estimer les risques de dérive et de corriger la trajectoire si nécessaire. La gorge d'Egan se serra quand il prit conscience que sa mésaventure risquait de fortement compromettre son avenir en tant que pilote, voire son avenir tout court sur Antagorria. Il avait bafoué trop de règles pour s'en tirer sans qu'il n'y ait de conséquences. Plutôt que de broyer du noir en ressassant les erreurs qu'il avait commises, il fit plusieurs séries de pompes et enchaîna sur une batterie d'exercices physiques jusqu'à tomber d'épuisement. Il eut juste la force de se hisser sur le matelas avant de sombrer une nouvelle fois dans un sommeil sans rêves.

Antagorria [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant