Fake ?

Scène 22

Une fois n'est pas coutume, c'est après Maelys que Maurizio en avait ce matin. Pas assez douce, pas assez tendre, trop sombre. Jamais la jeune femme n'avait trouvé aussi difficile de jouer le ton juste. Sad l'avait énervée, il l'avait humiliée, mais elle ne devait pas mélanger le travail et la vie privée.

Sad gémit de frustration, quand Maurizio les coupa en plein milieu de la scène pour la millième fois.

- Cinq minutes de pause Momo, supplia-t-il. J'en peux plus, je crame.

Le réalisateur soupira.

- Ok, cinq minutes, mais pas plus. Il faut que tu te bouges Maelys. On n'est pas en studio là. La matinée sera bientôt foirée.

Sad tendit la main à sa partenaire pour l'aider à se lever. Elle répondit à son geste de mauvaise grâce, ôta le sable sur sa robe de soubrette et récupéra avec gratitude la bouteille d'eau que Rion lui tendait.

- Viens avec moi, princesse, ordonna Sad en se plantant devant elle.

Elle leva les yeux au ciel.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Il la prit par la main et l'attira jusque dans l'eau. Crispée, elle se laissa faire, s'attendant à se prendre un savon. L'eau froide lui fit du bien, elle avait presque l'impression que son corps dégageait une vapeur abondante comme si elle était une braise. Il l'entraina jusqu'à ce qu'ils soient immergés jusqu'aux épaules, sourd au hurlements du réalisateur en voyant qu'ils étaient en train de se tremper.

- Vas-y, souffla Sad. Vide ton sac.

- Je ne crois pas que j'ai quoi que ce soit à te dire, fronça-t-elle. T'es un con, c'est tout. Un con qui en plus, me prend pour une pute.

- C'est un début, acquiesça-t-il.

Elle le repoussa et se retourna vers la plage.

- Et c'est tout, conclut-elle.

Il la retint fermement.

- Non, c'est pas tout, s'agaça-t-il. Je vais pas refaire cette scène un million de fois. Alors on va régler ça ici et maintenant. Tu aimes l'eau n'est-ce pas ? Alors, profites-en et lâche les vannes. Que je sois un con, c'est ce que tu penses depuis le premier jour et jusque là, ça ne t'a pas empêché de jouer.

- Mais non ! s'insurgea-t-elle en lui faisant face. Je n'avais rien contre toi ! Tu n'es pas quelqu'un de très agréable, mais je m'en foutais. Sauf que, ce que tu as dit hier, c'était méchant, humiliant et dangereux. Si tu répètes une seule fois ça, même bourré, je pourrais avoir de gros ennuis et le producteur aussi. C'est de ma faute, j'en suis consciente. J'ai trop parlé. Mais putain, je n'imaginais pas que tu puisses être aussi con !

- Ça va, c'est pas comme si j'avais appelé sa femme ou les journalistes. Détends-toi. C'est tes conneries, ça me regarde pas. C'est juste entre toi et ta conscience. Me mêle pas à ça.

- Si c'est entre moi et ma conscience, pourquoi tu t'en mêles ? Pourquoi tu te permets de me juger ? On est bien d'accord, n'est-ce pas ? Ça ne te regarde pas !

- Ouais. J'en ai rien à battre. Satisfaite ?

- Mais oui.

Elle posa les deux mains sur ses épaules et riva son regard au sien.

- Alors, ne t'avise plus de parler de ça, même dans ton sommeil. Le sujet est clos.

- Je m'en fous, je t'ai dit ! s'agaça-t-il en se dégageant.

Il se détourna et repartit vers la plage. Maelys poussa un long soupir et le regarda s'éloigner, alors seulement elle le rejoignit. Elle se laissa sécher, plus calme et plus posée que depuis le début de la matinée. Ils allaient la faire, cette scène, il fallait qu'elle perde de vue tout ce qui s'était passé. Mais quand même... le fait qu'il n'ait pas envie de la faire chanter ou qu'il ne compte pas s'en servir contre elle et surtout, contre Ismael, ça la soulageait. Il ne l'avait pas dit explicitement, mais elle n'avait pas senti le désir de le faire. Tout ce qu'il voulait, c'était bosser, et après tout, c'était exactement ce qu'elle voulait aussi.

Maurizio était à deux doigts de s'arracher les cheveux qu'il n'avait pas, aussi le tournage reprit, et peut-être fut-il un soupçon plus laxiste à cause de la fatigue et du temps qui filait, mais il ne trouva rien à redire sur la prise suivante.