Scène 40

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Habillée, elle attendit qu'il l'ait rejointe et ils remontèrent vers la civilisation. Maelys allait appeler un taxi, mais ils en trouvèrent un devant l'hôtel et se laissèrent conduire dans une boite réputée de l'île.

- C'est la première fois que je prends le taxi, remarqua-t-il en jouant avec la vitre.

- Tu as toujours eu du fric ?

- Non... Mais quand j'en avais pas, j'avais mes parents, haha...

- Je vois. Et bien moi, à une époque, je n'avais pas de quoi me payer le taxi... Et le bus, c'était un luxe.

- T'étais pauvre à ce point ? fit-il aberré.

- Plus que tu l'imagines. J'ai quitté ma famille et je n'avais rien en poche. Je dois tout à Rion qui a accepté de miser sur moi.

- Ça ne se passait pas bien avec eux ?

- Pas trop...

Elle grimaça.

- Des matriarches étouffantes, des gestes qu'un homme ne devrait jamais faire à un enfant... je te passe les détails, mais il fallait que je m'en aille.

Il hocha lentement la tête.

- Je connais ça, d'une certaine façon. Mes parents m'ont vendu à la télé depuis tout bébé. Tout l'argent que je gagnais, j'en voyais pas la couleur. À seize ans j'ai demandé l'émancipation et je suis parti sans rien. Avec une étiquette d'enfant rebelle et ingrat tatoué sur le front et dans la presse.

- À seize ans, tu étais déjà lancé, non ?

- Ouais, largement. J'avais un rôle principal dans une série télé et j'étais engagé pour un film. J'ai pas eu trop de mal à m'en sortir. Mais ça a été une grosse rupture...

Maelys dévisagea le chauffeur et se rendit compte qu'ils étaient en train de déballer leur vie, comme ça en public. Pour voir s'il écoutait, elle se rapprocha de Sad et lui déposa un baiser sur la joue. Au bruit, l'homme les regarda dans le rétro. Bingo. Elle se rapprocha encore de Sad et lui murmura à l'oreille.

- Si tu veux lancer une rumeur, c'est maintenant.

Sad croisa le regard du chauffeur dans le rétroviseur. Lancer une rumeur ? Tout ce qu'il voulait, c'était qu'on lui fiche la paix...

Il posa sa tête contre la sienne.

- Tu vas me manquer, souffla-t-il simplement. Je regrette de ne pas t'avoir rencontrée plus tôt. Différemment.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Bah... Sans cette histoire de divorce... On aurait pu en profiter vraiment sans tout ça...

Elle hocha doucement la tête.

- C'est bientôt fini.

- Oui...

Il se mordit la lèvre.

- Avec Anna, on s'est marié jeune... Quand j'ai quitté ma famille, je suis parti en vrille. Elle voulait devenir mannequin. Elle n'était pas encore connue et je croyais que ça suffirait à la préserver de la vénalité qui m'entourait en permanence. On voulait changer le monde... Elle était belle et me regardait avec ses grands yeux bleus rêveurs... J'étais fou d'elle.

- Ce n'est pas tout à fait le portrait qu'on s'attend à entendre quand on voit la femme d'aujourd'hui. Je ne la connais pas personnellement, mais pour le peu que j'en ai vu à la télé, ce n'est pas l'humilité qui l'étouffe...

- Elle a bien changé depuis. Elle est devenue l'égérie d'une grande maison de couture. Une reine des podiums... Je suppose que je ne suis pas parfait non plus.

Il ricana.

- On s'est éloigné. On s'est mis à se disputer... violemment.

- Oh... Alors c'est vrai cette histoire ? Tu as vraiment levé la main sur elle ?

Il pinça les lèvres.

- Non. J'ai cassé des meubles, de la vaisselle, frappé des murs... Pour ça, elle en a eu des témoignages. Mais elle, non jamais. Elle était si... fine. Fragile. J'aurais eu peur de la... casser. Elle par contre...

Il détourna la tête. Il en avait trop dit.

- Non, murmura Maelys. Et tu n'as rien dit ? Pas par fierté, quand même !

Il haussa les épaules.

- Qui m'aurait cru ? Tu sais que c'est déjà difficile pour une femme de se faire entendre ? Alors un mec... Un mec comme moi, qui plus est...

Il se tourna à nouveau vers elle, son demi-sourire aux lèvres.

- Rien que là, qui te dit que je ne dis pas ça juste pour me défendre ? Juste parce qu'elle a tout déballé à la presse. Tu y crois ?

- Tu sais, dit-elle en lui glissant une main derrière la nuque, je crois que je commence à bien savoir quand tu es sérieux. Et là... je vois bien que tu l'es.

Elle lui déposa un baiser sur le front.

- Monde de merde. Allez, allons boire un coup pour oublier tout ça.

Il ferma les yeux et s'appuya sur elle.

- T'es mignonne, souffla-t-il.

Elle le serra contre elle le cœur battant. Elle n'arrivait pas à croire que ce qu'il venait de lui dire puisse être vrai. Elle savait qu'elle devait faire attention, mais... mais là elle y croyait. Elle resserra ses bras sur lui et le berça doucement jusqu'à ce que le taxi s'arrête, alors ils retrouvèrent la boite de nuit et entrèrent. Ce soir, c'est Maelys qui commanda les boissons, et une fois n'est pas coutume, elle fut la première à finir son verre et à faire signe pour être resservie. Elle avait beaucoup de choses à faire passer.

Sad ne chercha pas à la dissuader. Au contraire, il la suivit, l'accompagna, puis la fit danser et flirta ouvertement avec elle quand l'alcool leur monta à la tête. Maelys répondit, n'hésitant pas à danser lascivement avec lui, à se laisser enflammer par ses grands yeux noirs et à rire à ses plaisanteries coquines. Ce soir, elle lâcha prise et se détendit à fond. C'était le moment où jamais de toute façon.

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