Scène 15

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- Il y a des journalistes, fit Sad en s'asseyant à la table de Maelys à la pause de midi. On mange ensemble ?

Elle hésita et jeta un coup d'œil vers l'équipe. Ismael était déjà reparti.

- D'accord, si tu veux. Dis, Sad... Comment fait-on pour raviver la flamme ? Comment fait-on pour attirer à nouveau l'attention de quelqu'un sur soi ?

- Tu rigoles ? Si on fait pas attention à toi, c'est que tu es terne. Il faut être flamboyant pour qu'on ne puisse plus détourner les yeux de toi.

- Flamboyante, répéta-t-elle perplexe. Genre... teinture rousse ?

- Pourquoi pas, si c'est ce qui te branche, fit-il sceptique. L'important, c'est que tu sois en accord avec toi-même.

- Alors c'est raté. Je ne suis pas flamboyante. Tant pis, je trouverai autre chose. Cette chaleur est insupportable, ajouta-t-elle en rajustant son chapeau.

- Tu vois ? Rien que ça... T'es pas coincée pourtant, alors pourquoi tu sens obligée de prendre des airs de sainte-nitouche ?

Elle le dévisagea, surprise.

- Je ne suis ni coincée, ni une sainte-nitouche, ni flamboyante, c'est tout, se défendit-elle. Pour un rôle si tu veux, mais il y a des situations où il vaut mieux laisser tomber les rôles. C'est pas grave, oublie ça.

- Tout le monde joue un rôle... En permanence...

Il appuya son menton sur sa main et son regard se fit vague.

- C'est quand tu n'es plus obligé de le faire que tu sais que tu as trouvé la bonne personne.

- Si seulement c'était si simple... murmura Maelys les yeux dans le vide elle aussi. Tu laisses tomber les masques, tu t'ouvres, tu te donnes tout entier, mais rien ne prouve que l'autre en face en fera autant, ou y sera sensible.

- Si, assura-t-il. Tu le sens. Tu ne peux pas être toi-même si celui en face de toi, ne l'est pas.

Il attrapa sa fourchette et commença à manger.

- Enfin, je dis ça, j'en sais rien. Ça ne m'est jamais arrivé.

Maelys réprima sa question. Il avait refusé de parler de son mariage, elle ne réaborderait plus le sujet.

- Dans tous les cas, la séduction, c'est forcément un rôle, dit-elle pensive. Je réfléchirai à ta théorie, mais plus tard. Là mes neurones sont en train de fondre. J'ai cru que la matinée ne finirait jamais. En plus ta peau était brûlante, et je ne sais pas combien de temps on a dû rester collés l'un contre l'autre. Maurizio est maniaque.

- Ouais... Un plan dans un sens, un dans l'autre, plus d'émotion, plus de fatigue... Ah ça oui, il m'a crevé...

Elle pouffa. C'était vrai. Ce séjour ne ressemblait pas du tout à des vacances. Et puis elle ne pouvait pas s'empêcher de chercher Ismael. Au studio, il était toujours soit près du plateau, soit dans son bureau, mais là... là il pouvait être partout, et elle avait besoin de le voir, besoin de se rapprocher de lui.

- Il faut que j'aille nager, décida-t-elle en posant sa fourchette. Je vais mourir, sinon.

Elle se leva, poussa un soupir, puis se rassit.

- Je vais ruiner le travail de la maquilleuse. Bon, bah... je n'ai plus qu'à crever.

- C'est rien ça... Cet après-midi, d'après le script, on doit faire un feu...

Elle gémit et se renversa en arrière, puis elle se redressa.

- Allez, c'est pas ça qui va me tuer. Courage. Je te laisse, je vais méditer, j'ai encore le temps.

- C'est ça... fit Sad en se détournant d'elle.

Pourquoi ça l'agaçait qu'elle cherche à tout prix à se défiler ? songea-t-il en mâchouillant distraitement sa fourchette. Cette garce le traitait de haut avec ses sourires en coin, et ses grands airs. Elle lui tapait sur le système. Si elle avait joué les groupies ou les filles intéressées comme les autres, ce petit jeu aurait été beaucoup moins gonflant.

Il soupira. Ce séjour commençait mal. Très mal. Trop de choses lui rappelaient Anna et il avait le moral à zéro. Ce soir il sortait. Il avait besoin de se changer les idées.

Maelys se vida la tête, assise tout au bout des rochers, les yeux rivés sur l'immensité de l'océan. Il fallait qu'elle se détende, qu'elle chasse toutes ses pensées contraires pour se concentrer sur l'essentiel, le travail. Mais ce n'était pas évident. Elle ne comprenait pas la soudaine distance d'Ismael. Et puis il y avait Sad qui faisait semblant d'être sympathique avec elle, mais elle sentait son antipathie à son égard, elle l'avait sentie à la soirée, elle la sentait aujourd'hui quand il lui parlait, et ça n'avait rien d'agréable. Pourquoi la méprisait-il ainsi ?

Elle resta longtemps à lutter contre ses pensées et finalement échoua à trouver le calme en entendant des voix non loin derrière elle. L'équipe revenait.

« J'ai envie de passer un moment avec toi, mon chat. »

Elle envoya son message et ne s'attendait pas à la réponse rapide qu'elle reçut aussitôt.

« Pas ici, puce, ce n'est pas discret. On en reparle quand on sera rentré. »

Voilà, elle avait encore moins envie de rester ici. Elle se renferma dans sa carapace et retrouva l'agitation de la préparation des scènes.

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