Fake ?

Scène 23

À midi, Sad mangea seul à l'écart du reste du groupe, les yeux perdus dans le vide. La dépression... Cette fille le replongeait en plein dedans. Elle lui rappelait tellement sa femme qu'il en était malade. Il en avait marre du soleil, marre de cette île, marre de ce film et marre de cette fille. Il avait hâte que cette journée finisse pour pouvoir oublier tout ça dans l'alcool et le bruit. C'était tout ce qu'il voulait. Fermer les yeux et oublier. Mais jusqu'à ce soir, le spectacle devait continuer. Et jouer le sale con, c'était bien son rôle préféré.

Maelys mangeait seule, elle aussi quand une voix derrière elle lui provoqua un long frisson.

- Maelys, je vous cherchais, la salua Ismael. Venez, venez !

Elle laissa son repas sur la table et le suivit curieuse. Son estomac se contracta quand elle comprit qu'il l'emmenait vers Sad.

- Bonjour, Sad, salua-t-il. Maelys, Sad, je tenais à vous remercier pour les efforts que vous avez faits pour le film. Son occurrence dans les moteurs de recherche a doublé rien que ce matin. C'est vraiment génial.

- Super, répondit Sad, rien moins que glacial.

- Néanmoins, il y a un léger problème, remarqua l'homme d'un air embarrassé. Les journalistes commencent à se renseigner et... pour les gens d'ici, vous ne pouvez pas vous supporter. C'est tellement évident que spontanément, des membres du personnel ont largement démenti tout rapprochement entre vous. J'ai cru comprendre, en effet qu'il y avait des tensions. Est-ce qu'il y a un problème ?

- Aucun problème, assura Maelys rassurante. On a mis les choses au clair et il ne devrait plus y avoir de soucis.

- Ho que si, il y a un problème, fit Sad cynique. J'essaie d'y mettre du mien, mais Maelys ne fait aucun effort. Je la dégoute, vous comprenez. Du coup, c'est un peu compliqué.

- C'est pas vrai ! s'insurgea Maelys médusée. Je fais de mon mieux, mais ce n'est pas évident parce qu'il n'arrête pas de me juger et de m'insulter.

Ismael sourit avec sympathie.

- Oui, je me doute que ce n'est pas évident, dit-il. Mais ça ne devrait pas être insurmontable. Si ? Vous allez faire un effort, n'est-ce pas ?

Ce sourire... Maelys se sentit complètement fondre.

- Pardon, oui, dit-elle hypnotisée. Je suis trop susceptible. Je vais faire de mon mieux.

- Merci. Autre chose ? demanda-t-il pour Sad. Il suffit de m'en parler et je devrais pouvoir régler le problème.

- Ça... Je n'en doute pas, ricana-t-il en se détournant pour replonger son regard vers l'océan.

- Bien, alors je vous souhaite bon courage pour la suite.

Il se leva et quitta la table. Maelys posa sa tête sur ses bras.

- Tu me trouves ridicule, hein ? fit-elle. Tu as bien raison.

Sad ne répondit pas tout de suite.

- Laisse tomber ce type. Il n'a rien à t'offrir et tu le sais. Il se sert de toi. C'est qu'un connard.

- Ça ne t'est jamais arrivé de tomber sous l'emprise de quelqu'un ? demanda-t-elle sans bouger. Quand il m'a dit qu'il avait une femme, j'aurais dû tirer la sonnette d'alarme, prendre mes jambes à mon cou, mais c'était déjà trop tard. Je n'y peux rien, je ne sais pas comment revenir en arrière. Il suffit d'un regard et pffff... je suis hypnotisée.

- Si, ça m'est arrivé, dit-il en se levant. Et c'est bien pour ça que je te mets en garde. Mets les voiles avant qu'il ne soit trop tard.

Il quitta la terrasse pour remonter à sa chambre. Maelys regagna sa table, termina son repas et resta dehors. Elle s'était trop impliquée émotionnellement dans tout cela. Il fallait qu'elle prenne du recul, et il n'y avait que l'eau qui lui apportait la fraîcheur d'esprit nécessaire dans cet enfer brûlant. Vivement ce soir qu'elle puisse respirer un peu. En attendant, elle révisa son texte, histoire de regagner le temps perdu.