Fake ?

Scène 68

- Tu vas quoi ? s'étouffa Sad.

Une fois n'est pas coutume, ce soir là, Sad était chez lui. Et pas ivre. Juste un peu éméché. Il avait cédé à l'insistance de Nihilys qui avait apparemment quelque chose de primordial à lui dire. Et effectivement, il en restait bouche bée.

- Me marier, répéta-t-elle en lui montrant le solitaire à son doigt. Avec Rion. Tu sais le...

- Je sais qui c'est, merci, coupa-t-il sèchement.

Pour la peine, il se resservit un verre.

- Tu le connais depuis quoi, deux mois ? Trois ? Et tu penses déjà au mariage ?

- Ça fait six mois, corrigea-t-elle. Et... il est parfait. En six mois on a largement le temps de trouver les défauts sous la carrosserie. Je ne dis pas qu'il n'en a pas. Mais ils sont tout à fait supportables. Et même... mignons.

Il ricana.

- Ouais, sauf qu'après le mariage, ces défauts mignons se transforment en plaie. C'est stupide, Lys. Vous êtes bien maintenant, mais quand les premiers problèmes vont vous tomber dessus, vous allez vous effondrer. Et je ne veux pas que tu t'effondres. J'ai besoin de toi, moi.

- Arrête, Sad. Tu dramatises. Tu ne sais rien de mon histoire. Ne transpose pas la tienne sur nous. Chaque cas est unique.

- Tu n'en sais rien et tu ne...

- De toute façon, je ne te demande pas ton aval, Sad, le coupa-t-elle. Je me marierai que ça te plaise ou non. Je voulais juste t'en informer et... Je ne sais pas... Que tu me félicites comme toute personne normale ?

- Je ne vais pas t'encourager dans ce naufrage, dit-il avant de vider son verre d'une traite pour se resservir aussitôt.

Nihilys soupira.

- Qu'est-ce qui t'arrive, Sad ? Pourquoi tu t'infliges ça ? Ça allait tellement bien, ces temps-ci, j'ai cru que... Que tu étais guéri ! Mais regarde-toi... C'est l'absence de Maelys qui te rend comme ça ? Parce que si c'est ça, tu n'as qu'à...

- Fous-moi la paix. Ça ne te regarde pas. Et si ma façon d'être ne te plait pas, tu n'as qu'à partir, je ne te retiens pas.

Des coups frappèrent à la porte.

- Je vais ouvrir, soupira Nihilys. De toute façon, j'allais partir.

Elle rassembla ses affaires sous le regard indifférent de l'acteur.

- Mais Sad... Reprends-toi, d'accord ? C'est triste de te voir comme ça, dit-elle avant de s'esquiver.

Lorsqu'elle ouvrit la porte et se retrouva nez à nez avec Maelys, elle afficha un air de parfaite surprise.

- Bonsoir, fit Maelys que cette expression rendit méfiante. Est-ce que je dérange ?

- Non, pas du tout, assura Nihilys avec chaleur. Je vous croyais à l'autre bout du pays !

- Je l'étais, mais j'ai fugué le temps d'une soirée pour... voir comment ça allait.

La blonde grimaça.

- Pas trop bien, je le crains. Je ne sais pas si je dois vous conseiller de lui parler ou de vous enfuir à toutes jambes...

Maelys fronça les sourcils.

- Je crois que je m'en doutais, dit-elle. Je vais aller voir ça.

Les deux femmes se saluèrent et Maelys entra dans l'appartement.

- Sad, appela-t-elle.

- Allez au diable, je ne veux voir personne, maugréa sa voix depuis le salon.

Elle s'y dirigea et resta sur le pas de la porte. Elle le dévisagea. Il était ivre, ou peu s'en faut, et il arborait sur les mains les mêmes hématomes qu'elle avait entraperçus sur internet, cet article qui parlait de bagarres...

- Même moi ? demanda-t-elle. Ou surtout moi ?

Le verre que Sad portait à ses lèvres se brisa sur le sol, alors que dans sa tête le temps semblait s'être figé.

- Maé, souffla-t-il.