24 août 2015

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Retour à Paris. Les vacances sont terminées. Cette rentrée est particulière pour moi car, contrairement à Julien qui est retourné travailler, j'ai rendez-vous à l'hôpital de bonne heure. A mon arrivée, une hôtesse m'oriente vers le service des admissions qui établit un dossier à mon nom. Puis une infirmière me conduit à un étage inférieure où elle m'explique le programme de la matinée :
« Vous allez tout d'abord passer une échographie et vous verrez ensuite le chirurgien. Vous avez bien votre résultat de biopsie avec vous et votre dernière mammographie ?, me demande-t-elle
- Oui, j'ai tout mon dossier avec moi
- Patientez ici, on va venir vous chercher ».
Autour de moi je remarque que beaucoup de personnes sont ici, comme moi, pour la même chose : se soigner et venir à bout de ce cancer, l'anéantir, le réduire en miettes pour qu'il ne puisse jamais avoir l'idée de réapparaître. Le faire taire à jamais. Dans un souci de préservation, mes écouteurs sur les oreilles, je m'octroie un moment de détente grâce à la musique, les yeux rivés sur un magazine. Vingt minutes plus tard, on m'appelle pour passer une échographie. La densité de mes seins fait qu'il va falloir revenir un peu plus tard pour faire à nouveau cet examen. Je patiente alors de nouveau face au bureau du chirurgien. Cette nouvelle attente me paraît interminable. C'est long, très long jusqu'à ce que le médecin finisse par prononcer mon nom.
« Madame O ».
Un tremblement m'envahit alors dans tout le corps. Pétrifiée, je me lève pour me diriger vers son bureau.
« Bonjour »
Pas de réponse du chirurgien et de la secrétaire médicale qui visiblement sont occupés à se parler. C'est comme si je n'existais pas. Ouh Ouh je suis là, regardez-moi. Je m'assois et j'attends.
« Vous avez votre fiche, celle que l'on vous a remise à votre arrivée ?, me demande le chirurgien qui a fini par se retourner vers moi
- Oui, oui, la voici complétée et voici également ma biopsie et ma dernière mammographie ».
Il parcourt alors les résultats de mes examens puis m'annonce de manière très directe.
« Cancer de grade 3, vous allez devoir faire de la chimiothérapie. Vous avez également un cancer du sein de type HER2+ pour lequel vous recevrez un traitement d'immunothérapie. Vous verrez cela marche très bien. Déshabillez-vous que je vous examine ».
Je reste sans voix et je n'arrive plus à respirer. Là maintenant tout de suite je ne souhaite qu'une chose c'est qu'on me donne une corde pour que je me pende et qu'on en finisse. Surtout ne pas pleurer, ne pas pleurer, restez digne. Alors qu'il m'ausculte, je l'entends me dire :
« Vous vous connaissez bien car moi-même je ne sens presque pas la tumeur. Il y a des femmes comme vous ».
Une fois l'examen terminé, il m'explique ce qu'il m'attend.
« Sachez que je vais d'abord vous opérer et ensuite vous enchaînerez avec de la chimiothérapie et de l'immunothérapie. A l'issue de la chimio, vous aurez également des séances de radiothérapie
- Ah oui je dois faire de la chimiothérapie ?
- Oui car vous êtes jeune et aussi parce que votre cancer est agressif. Dites-moi est-ce que vous voulez garder votre sein ?
- Oui, si c'est possible, estomaquée que je suis par la violence de cette question. Vous savez quand est-ce que vous pouvez m'opérer ?
- Attendez, je regarde mon planning, le 16 septembre
- Le plus tôt sera le mieux, vous ne pouvez pas avant ?
- Non, je n'ai pas de place. Je voulais savoir si vous aviez des antécédents de cancers de sein dans votre famille ?
- Non
- Ok. J'aimerais que vous fassiez d'autres examens. Voici vos ordonnances à ce sujet. On se revoie avec tous les résultats quelques jours avant l'opération ».
J'aimerai poser d'autres questions mais je sens bien que le chirurgien n'a pas de temps à m'accorder. Du coup je préfère partir. Une fois sortie de son bureau, je me rends compte que ce rendez-vous n'a duré que 15 minutes. Ce qui m'a aussi choquée, c'est sa manière de me parler. Il a été on ne peut plus direct. J'avoue que je ne comprends pas. Comment peut-on annoncer à une personne atteinte d'un cancer des traitements aussi lourds avec si peu de tact ? C'est ça l'hôpital d'aujourd'hui ? Pas de dialogue avec le patient, un numéro parmi tant d'autres ? Prendre soin du patient, ce ne serait pas le B-A B-A dans ce genre de pathologie ?  

A quel prix ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant