Le Murmure de l'Originelle T-1

14○Faite que ça s'arrête, je vous en pris!

- Arrête de bouder Ingrid... On aurait pu croire qu'avec l'âge tu arrêterais, mais non.

- Et oui que veux tu, je suis pleine de surprise, je réplique amère.

On passe la porte de l'immeuble et je fais de mon mieux pour ignorer le regard étonné du concierge. Et du vieux du premier étage. De la mère de famille du deuxième. De l'étudiant du troisième. Du couple du cinquième. Mais plus je monte, plus ils sont durs à ignorer, sans parler du gloussement de Camille et du souvenir des réactions des foules. Mais pourquoi est-ce qu'elle habite aussi haut bon sang !

Je retire avec rage mes chaussons, et monte en courant les escaliers jusqu'à son appartement. Le rire de Camille, maintenant bien audible, fait écho à ma foulée rageuse. Je frappe plus que ne toque à la porte.

- J'arrive, me répond une belle voix féminine.

Quelque seconde plus tard, elle m'ouvre enfin.

- C'est quoi cette accoutrement ? demande-t-elle surprise, en ouvrant grand les yeux.

Je la pousse sans ménagement et rentre à l'abri des regards. Je me pose avec rage sur le canapé. J'entends Camille rentrer et fermer la porte délicatement.

- Laisse moi te raconter ça, c'était hilarant, rit-il, toujours en la prenant par les épaules.

Même si je lui en veux toujours, cette vision m'adoucit. J'ai toujours trouvé que ces deux là irait merveilleusement bien ensemble, et je suis sûre qu'ils se plaisent mutuellement. Mais quelque chose, que je ne comprends pas, les empêche de former un couple qui, serait parfait, de mon point de vue.

Ils se posent justement en face de moi, très, mais alors très prêt. Je soupire intérieurement, pourquoi mon dieu, pourquoi ils se retiennent ? Enfin, assez mal cela dit, parce que parfois j'ai l'impression qu'ils se font l'amour avec le regard. Une impression assez gênante, il faut bien se l'avouer.

- Alors dis moi qu'a-t-elle encore fait ?

- Pardon ? Ce que j'ai encore fait ? C'est une blague ? C'est moi la victime dans tout ça !

Et les voilà qui explosent de rire. Quoi encore ?

- Excuse moi ma belle, mais tu es tout, sauf une victime.

- Tu appelles ça comment être traînée de force dans la ville, en pyjama, et ce, à peine réveillée ? répliquais-je en croissant les bras.

- Tu t'es encore perdue dans tes pensées je présume ? Ricane-t-elle, les yeux brillants de moqueries.

Le rire de Camille et mon grommellement répondent parfaitement à sa question.

- Ce n'est pas une raison...

- Fais comme chez toi, ma jolie, je vais nous préparer du café pendant que tu te prépares. Ne traînes pas quand même, c'est une journée chargée aujourd'hui.

Je pique une pomme en passant devant la table et pars chercher des vêtements qui pourraient m'aller. Une fois mon fruit finit, j'allume le jet d'eau et entre dans la douche. Je laisse couler l'eau brûlante sur mon corps et pose ma tête contre le mur. Quelle mâtiné ! Et surtout quel rêve, j'en ai encore mal à la tête.

Je respire doucement pour calmer la douleur et petit à petit les vapeurs me plongent dans un état second. Mais soudainement, alors que j'étais bien, je me sens devenir lourde, mais pourtant légère. À la fois vieille mais étrangement jeune, forte et vulnérable. Je suis aspirée par un vortex d'émotions et de sensations puissantes. Elles me frappent avec violence et essayent de se frayer un chemin en moi.

Je hurle de douleur et me griffe la poitrine pour lutter. Rien à faire, elles s'imposent à moi. Je crois que je me sens tomber, mais je suis bien trop occupée par ces émotions intrusives pour réfléchir à ça. Elles sont bientôt remplacées par des images aussi étranges les unes que les autres. Étrange dans le sens où elles ne m'appartiennent pas. Je vois des époques, des temps, des cultures différentes défiler à toute allure. Tellement que je ne peux pas vraiment les regarder, et que c'est plus douloureux qu'autre chose. Stop, ça suffit ! Faites que ça s'arrête, je vous en pris! Je frappe tout ce qui m'entoure et ne distingue plus les objets des d'êtres vivants.

Je crois que Brenda et Camille sont là, mais je ne suis plus sûre de rien. Je ne sais pas combien de temps dure ce moment, mais une éternité semble passer avant que tout se passe et que je puisse, enfin, sentir l'eau froide contre ma peau. Je suis recroquevillée dans la douche, dans les bras de Brenda et sous le regard inquiet de mon ami. Elle me caresse les cheveux et me balance d'avant en arrière.

Je me laisse bercer et je me calme doucement. Petit à petit ma respiration reprend son rythme, les larmes se tarissent et le sang des griffures sur ma gorge disparaissent, emportées par l'eau. Plus aucun indice de cet accident ne subsiste, si ce n'est la peur et l'inquiétude dans leur regard. Je ferme les yeux pour oublier ce qui vient de se passer. Et sans m'en rendre compte, je m'endors, plongeant dans un sommeil agité.

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- Elle va mieux ?

Je regarde Brenda revenir de la chambre où on a couché Ingrid.

- Je ne sais pas... Elle dors pour l'instant.

Elle s'assoie à mes côtés et pose sa tête sur moi. Elle sait combien j'ai besoin de contact de mon entourage, surtout dans des moments pareils. Elle le sait très bien, parce qu'elle est comme moi.

- Tu l'as senti toi aussi ? demande-t-elle.

Je regarde son adorable minois froissé d'inquiétude. Je hoche gravement la tête, mon cœur aussi terrifié que le sien.

- Comment j'aurais pu ne pas le sentir, c'était puissant, très puissant. Je ne sais pas ce qu'elle est, mais rien de comparable à toi ou à moi.

- Alors elle en est une ? C'est sûr ?

- Après ce qu'on a vu ? Tu as encore des doutes ?

- Je sais, excuse moi, c'est bête, mais... c'est que j'ai peur. Et si elle ne le prenait pas bien ? Tu sais bien que certains ne supporte pas de...

Je soupire avec force et lui caresse les cheveux pour l'apaiser.

- Je sais, mais ce ne sera pas son cas. J'en suis sûr.

J'essaie de ne laisser aucun doute transparaître dans ma voix, mais pourtant, autant elle que moi, entendons plus une supplique qu'une affirmation. Pourtant, elle n'ajoute rien, elle aussi veut y croire. Mais c'est tellement dur après ce qu'on vient de voir. Non, quoi qu'il arrive je serais là pour elle, pour mon Ingrid ! Tout ira bien, c'est obligé.

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Et en voilà un autre ^^ j'espère que vous aimez :3
Bisouilles<3