40 • Secret défense

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Je dois clairement ressembler à un glaçon lorsque Leindel vient me chercher. Le regard plein de pitié qu'il pose sur moi en dit long. Mais je n'ai pas la force de protester, ni même de m'en indigner. J'ai arrêté de compter au bout de 2 minutes, mais il s'est écoulé bien plus longtemps avant que je me mette à fonctionner au ralenti. Mon cerveau s'est mis en mode survie. Je suis incapable de bouger les doigts et les orteils, ma peau est couverte de marbrures et ma respiration est plus lente que celle d'un paresseux en hibernation. Je crois que je suis en train de m'endormir. Mais vers un sommeil sans réveille. Je ne sais plus à vrai dire, j'ai du mal à réfléchir.

Je crois aussi que pendant un moment j'ai eu des hallucinations. Camille me criait dessus, Leindel me jettait par dessus une falaise. Y'en a eu tellement d'autres que je ne m'en souviens même plus. J'ai une bride de souvenir de ma mort. Je recevais une flèche étrange. Comme faite de fumé, elle me traversait le corps. Aussitôt, comme si un feu me possédait, ma peau s'est effrité. Comme de la cendre elle s'envolait emportée par une brise. Mais comme je l'ai dit, je ne suis plus certaine. Je suis sens dessus dessous. C'est d'ailleurs au moment où je n'arrive plus du tout à lutter contre le sommeil, que je le vois.

Il se penche pour me soulever et m'attrappe sans peine. Nous rentrons pas directement. On reste dehors et il pose une couverture sur moi. La chaleur aussi infime soit elle me fait atrocement mal. Je l'entend vaguement me dire que je ne peux pas rentrer tout de suite, il faut que je le réhabitue.

- Ta magie t'aideras à te guérir, sinon tu aurais perdu tes membres et on aurait du t'amputer.

Sa vois me parvient difficilement, comme à travers une voile, mais je commence à réfléchir un peu mieux. Mais même dans les vapes, il parvient à me faire rire. Toujours aussi maladroit quand il s'agit de réconfort. Si j'étais dans mon état normal, je me serais bien moqué de lui. Mais ce n'est pas le cas. Pourtant, si ma langue ne semble pas encline à fonctionner, certaines parties de mon corps ne perdent pas le nords. La chaleur de la couverture m'est insupportable mais celle que dégage son corps est pourtant apaisante. Quand à son odeur enivrante, je n'en perds pas une miette. Elle m'aide à lutter contre l'attroce souffrance qui me possède.

Au bout de ce qui me semble d'infini douleurs, il se met en mouvement pour entrer dans la maison. La chaleur intérieur m'enveloppe immédiatement, m'étouffe. Ma respiration s'emballe et mes points se crispent. Comme pour lutter face à un ennemis invisible. Leindel s'en rend compte immédiatement car il s'empresse de me crasser le front en chuchotant des mots troubles. Il parle trop bas pour que j'en saisisse le sens, mais je me calme petit à petit, retrouvant une respiration moins désespérée.

- Nous irons à la salle de bain pour que tu puisses prendre un bain chaud. Il faut faire doucement pour te réchauffer. Faire tout d'un coup ne serais pas bon, m'explique-t-il d'une douce voix.

Je hoche très faiblement la tête et mon esprit s'engourdit rapidement, comme pour échapper à la douleur. Je crois que j'ai atteint ma dose aujourd'hui. Je n'en peux plus. Au bout d'à peine quelque minutes, je sens que je tombe rapidement dans un sommeil troublé.

Je me réveille en sursaut, entouré d'eau brûlante à souhait. Leindel est la, me soutenant pour ne pas que je coule pendant mon sommeil. Je vérifie rapidement ma tenue, mais tout va bien je suis encore en tenue de sport.

- Tu te sens mieux ?

- Oui, dis-je en me raclant la gorge, maintenant oui.

C'est vrai, je ne ressens plus la douleur que me causais la chaleur tout à l'heure. Il hoche la tête en silence et sort de la pièce. Je lève les sourcils, m'attendant à un peu plus de considération. Étrangement je suis blessé, il aurait pu, après les épreuves qu'il m'a faite subir, rester faire semblant de s'inquiéter pour moi. Je joue sans conviction avec l'eau en la frôlant de mes doigts tout en réflechissant. Même s'il a été horrible ce matin, je sais qu'il l'a fait pour me former. Mais là, il aurait pu rester. Ne serait-ce qu'une minute.

Le Murmure de l'Originelle T-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant