37 • Je suis une paria.

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Je descends les marches avec un sourire, fière d'avoir réussi. Le plateau entre les mains, je sens Brenda qui m'observe avec un demi sourire. 

- Je suppose que t'as écouté ce que je lui ai dis, demandais-je avec un grain d'espoir qu'elle réponde non. 

Le malice dans ses yeux se charge bien de réduire en poussière ce minuscule espoir en moi. 

- Bien-sûr que non, que croyais-tu ma pauvre Ingrid, soupirais-je de désespoir, pas vrai Leindel ! Ne me fais pas croire que tu n'écoutes pas toi aussi actuellement. 

Son ricanement rejoint celui de Brenda. Eh bien, je suppose que je vais devoir m'y habituer dorénavant. Je pose mon plateau et lave les affaires dans la cuisine. 

- Vas-y je t'écoute, lui dis-je simplement en nettoyant la casserole, toujours dos à elle. 

- Qu'est-ce qui te fais croire que j'ai quelque chose à te dire, répond-elle, surprise. 

- Brenda, soupirais-je pour la millième fois, à chaque fois que Camille et moi on se chamaille, qu'importe que tu sois en colère contre lui ou non, tu viens toujours, toujours, insistais-je en la voyant s'apprêter à riposter, plaider sa cause auprès de moi. Bien qu'on ne se dispute pas souvent lui et moi, je commence à avoir l'habitude, terminais-je en me retournant vers elle et en posant une main pleine de savon sur ma hanche. 

Elle fronce les sourcils mais elle sait bien que j'ai raison. Alors elle abandonne et enchaîne sur son plaidoyer. 

- Écoute, il faut le comprendre, commence-t-elle alors que je m'en retourne à ma vaisselle, il est en stresse constant depuis ton anniversaire. Tu sais très bien ce qu'il s'est passé ce jour là et... 

- Eh bien non justement je ne sais pas Brenda, je n'attends que ça, des explications, m'exclamais-je en abandonnant mon torchon qui servait à sécher les affaires propres. 

Elle souffle elle aussi, elle passe une main lasse sur son visage. 

- Je ne sais pas ce que Leindel t'as raconté, mais il existe plusieurs espèces qui passent tous un rituel pour obtenir leurs pouvoirs, m'expliqua t'elle tandis que je hoche la tête, Leindel m'ayant plus ou moins dit la même chose. Selon les espèces, l'âge de ce rituel change mais une chose est sûr, c'est qu'il provoque de graves épisodes avant son accomplissement.  On ne sait pas trop ce qu'il t'est arrivée à toi, Ingrid, mais c'était effrayant et très, très puissant. Tu as été comme possédé par une vieille entité, et ton corps ou ton esprit ne l'as pas supporté. Tu t'ais mise à crier et à te lacérer la gorge sous la douche. 

Je déglutis de travers, ne comprennant pas pourquoi je ne me souviens de rien, mais aussi, carrément effrayée par mon comportement terrifiant. Une vraie folle, ça y est ma vieille, tu es bonne pour l'asile. Enfin ça explique au moins pourquoi j'étais nue et pourquoi ils s'inquiétaient pour ma gorge. 

- Comment j'ai pu guérir ? la questionnais-je soudain, la question me frappant. 

- Une prémice de la transformation. Ça arrive, m'explique-t-elle en hochant la tête d'un air savant. 

- Très bien mais ça n'explique toujours pas son odieux comportement, déclarais-je de mauvaise foi. 

Enfin non, pas de mauvaise foi, j'ai pas tord dans l'histoire moi ! Je me lacère la gorge et lui, tout de suite, il monte sur ses grands chevaux. Franchement il exagèrerait pas un peu ? 

- Ce n'est pas que ça Ingrid ! Rajoutes à cela tes multiples disparitions, évanouissements, et sa peur de t'avouer qu'il t'avait menti depuis toujours. Il prend ça comme un rejet de ta part, comme si tu lui en voulais. 

- Mais je lui en veux ! déclarais-je avec hargne. 

- Ingrid... 

C'est fou cette manie de répéter mon nom. À part m'exaspérer ça ne fais pas grand chose. 

- Non ça suffit Brenda, c'est bien beau tout cela, mais j'ai pris une décision et c'est à lui de la respecter. Il oublie que toutes les choses qu'il a vécu, moi aussi j'ai dû les subir, voire peut-être même pire et au centuple ! Je n'ai pas l'intention de te prendre le chou avec ça, ajoutais-je plus doucement en voyant la fatigue inscrite sur les traits de son essai visage, mais n'essais plus de défendre sa cause auprès de moi. 

Elle hoche la tête, ou plutôt laisse sa tête tomber dans un vague mouvement. 

Devant son épuisement évidement, je contourne l'îlot, au centre de la cuisine, pour la prendre par les épaules et la poser sur le canapé. Je m'assois et la couche, sa tête sur mes cuisses. Je passe délicatement la main entre ses cheveux pour tenter de l'apaiser. J'écoute sa respiration s'approfondir et se calmer. 

- Comment peus-tu encore le défendre après votre dispute, murmurais-je plus à moi qu'à elle, persuadée qu'elle s'était endormie. 

- Tu as beaucoup écouté ? me répond-t-elle en me faisant sursauter. 

- Euh...J'ai seulement et vaguement entendu parler de grand-mère, risais-je pour détendre l'atmosphère soudainement très chargé. 

Son absence de réaction m'inquiète. En temps normal, elle aurait ri, même si c'était doucement. Je fronce les sourcils et je me rends compte que le sujet est très grave et important pour elle. En toute honnêteté, je n'ai pas écouté ce qu'ils s'étaient dis, je tentais surtout d'activer ma super vitesse pour m'éclipser le plus rapidement possible. 

- Je te promets que je n'ai rien écouté, chuchotais-je en tentant de la rassurer. 

Elle prend un moment avant de me répondre. Étant toujours couchée sur moi, avec ma main dans sa chevelure, je ne vois pas son visage, mais je discerne très clairement la souffrance dans sa voix. 

- Je ne suis pas comme toi Ingrid, dit-elle dans un souffle et si doucement que même avec ma nouvelle ouïe peine à entendre. 

- Si j'ai bien compris, c'est plutôt normal de ne pas être comme moi. Au contraire, c'est moi qui suis...

- Tu ne comprends pas, protesta-t-elle en se dégageant de mes genoux pour se rouler en boule à côté de moi. 

Ses bras entoures ses jambes tandis que son visage, posé sur mes genoux, semble plongé dans le passé. Un passé douloureux, qui marque et change notre vie pour toujours. 

- Je ne suis pas comme toi, ni comme Camille, ni même comme tous les individus des autres espèces, murmure-t-elle les yeux plongés dans le vide. 

- Qui es-tu alors ? lui demandais-je en posant ma main sur son épaule pour lui assurer mon soutien. 

Elle retourne brusquement sa tête vers moi, manquant de me faire sursauter, et répond d'une voix morne. 

- Je suis une paria. 

Je fronce les sourcils et passe une mains sur sa joue. Car sur cette surface lisse de tout défaut, une unique larme coule amèrement. Je l'attire vers moi et la berce doucement. Je ne lui en demande pas plus, je ne voudrais pas la brusquer. Ce n'est pas important, moi je l'aime comme elle est. Nous restons un moment comme ça avant que je la sente qui s'abandonne enfin aux bras de Morphée. Alors je me lève délicatement, la couche et je finis en lui posant une couverture sur son corps. Elle soupire dans son sommeil et s'accroche de toutes ses forces au morceau de tissu.

Décidément, tout le monde cache sa part de mystère, me dis-je en fronçant les sourcils et en pensant aussi à Leindel. 

Je secoue la tête de dépit, pressentant déjà une énorme migraine pointée le bout de son nez.

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J'ai une petite larme qui coule en vous écrivant ce message, ce n'est peut être pas beaucoup pour certain, mais à mon grand malheur j'ai eu beaucoup de mal à faire connaître mon bébé :'(. Mais aujourd'hui j'ai atteint mon objectif que je m'étais fixé en commençant à publier, c'est à dire 1k 😁

Je ne compte pas m'arrêter maintenant mais je tenais à vous partager ça :}

Bisous mes grenouilles ! ^^<

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Le Murmure de l'Originelle T-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant