43• Une question de temps.

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- J'espère que tu ne penses pas un instant que je vais faire ça, bredouillais-je tant bien que mal.

Il ne prend même pas la peine de me répondre et finit de faire ses petites affaires. Moi, mon cœur bat comme un fou et mon corps semble vouloir faire un avec l'écorce de l'arbre dans lequel je suis. Ce fou semble vouloir me voir faire le même exercice que tout à l'heure. Jusque là, il n'y a eu aucun problème, mais c'est sans compter que la corde n'est plus accrochée sur le tronc des deux sapins, mais sûr leur cime ! Les mêmes cimes qui se plient furieusement sous le vent, incapable d'y résister tellement elles sont fines.

Je déglutis difficilement en voyant la corde encore plus mouvante qu'un serpent dansant. S'il ne faisait pas aussi froid, je serais probablement déjà en train de suer à grosses gouttes.

- Ingrid ! m'interpelle-t-il. Vas-y monte !

Je secoue faiblement la tête et refuse de me lever. Je ne saurais même pas comment grimper sur la corde, légèrement au dessus de ma tête, même si j'étais assez folle pour vouloir y monter. 
En voyant la panique dans mes yeux, il saute comme je l'ai déjà vu faire, jusqu'à la cime, en s'y déposant délicatement. Il s'accroupit comme si de rien n'était, défiant les règles d'attraction et du poids même, oscillant tout naturellement avec l'arbre.

J'oublie momentément ma peur pour le regarder avec admiration. Il est tout bonnement extraordinaire.

- N'ai pas peur Ingrid, je te rappelle que tu es une nymphe. Tu as sûrement un lien avec chaque arbre de cette forêt, chaque feuille, chaque racine et même chaque cime, rit-il doucement en me tendant une main. Je pense que tu pourrais l'empêcher de se tordre ainsi. Et même si ce n'était pas le cas, rajoute-t-il sentant ma protestation venir, tu as des nouvelles capacités et surtout tu m'as moi. Je te rattraperais même si tu ne fais qu'osciller.

Son regard sérieux et intense s'impose à moi, même si je voulais ne pas le voir. Je souffle alors un bon coup, attrape sa main, et me laisse hisser sur la corde.

- Je ne te lâcherai pas tant que tu ne feras pas le premier pas, me chuchote-t-il à l'oreille, ses mains brûlantes sur mes hanches.

Je hoche la tête, signe que j'ai bien compris, et regarde la corde avec intensité. Ce n'est plus qu'entre toi et moi ! Et je suis celle qui va gagner ! Tu m'entends ? Je vais réussir. Je serre les dents, inspire profondément, frôle la pierre à mon cou pour récupérer un peu de confiance, et fais le premier pas. Immédiatement après la chaleur de ses paumes me quittent.

Mais je reste concentrée, inflexible au vent et pourtant assez fluide pour accompagner les mouvements ondulatoires de la corde. À chaque pas je me rappelle pourquoi j'ai fais ça. Pour réussir, être fière de moi, mais aussi et surtout pour être comme lui. Sa puissance est impressionnante, chacun de ses actes semblent aussi naturels que respirer, mais pourtant pour moi, ils continuent à être des obstacles. Or moi, je suis une battante, les obstacles, c'est comme les tours de caplas des enfants. Je les regarde et, sans hésitation, je les écrabouille violement.

Rien ne se dresse devant moi, je suis une fille de la Déesse Lune en personne, et l'élève d'un des plus grands combattants. Effectivement, nul doute pour moi, que Leindel soit actuellement un des plus forts guerriers. Si j'ai bien compris, il est l'un des gardiens d'une des sources magiques. Sources magiques qui, justement, sont de nos jours extrêmement rares. Oui, c'est certain qu'il est puissant.

Finalement, pas à pas, en me répétant mon mentra, je réussis à atteindre la cime opposée. Mais, toujours mue par ma volonté de progresser, je ne m'arrête pas. Je pivote seulement des talons et refais le même chemin, mais à l'inverse. Je fixe les yeux de Leindel. Ils sont remplis par, ce qui semble être, de l'admiration et de la fierté. Son sourire brille d'encouragement.

Le Murmure de l'Originelle T-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant