58• Le plus effronté des sourires en coin

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Minute. En m'embrassant ? Je papillonne des yeux, perdue. Dans un mouvement mécanique je me redresse, encore déconnectée. Vient-il vraiment de m'embrasser ? Vu son sourire victorieux, je dirais que oui. Enfin, en réalité, c'était aussi furtif qu'une brise. Mais même une simple brise peut enflammer une braise.

- Ça va Ingrid ? me demande ma mère.

- O-oui, dis-je en éclaircissant la gorge, c'est juste que ...

- Oh ne t'inquiètes pas ! assura-t-elle en balayant l'air d'un geste de la main. Ne vous gênez pas pour nous.

- Si gênez-vous, s'insurgea Nathan, c'est aussi répugnant que de voir nos parents s'embrasser !

- Mais enfin, tu as quel âge ? D'ailleurs, en parlant de parents, enchaîna ma mère, je crois que les tiens aimeraient bien te voir avec une petite amie, si ce n'est une fiancée, au bras.

Je les laisse se chamailler, observant Leindel du coins de l'œil. Il tourne tranquillement sa cuillère dans son thé sans y toucher. Il regarde attentivement ma maison et semble la graver dans sa mémoire. Chaque tableau, chaque meuble, chaque pièce portent les marques de notre vie. Des escaliers un peu trop usés, de la poussière sur une étagère, l'odeur de la maison. Tous ces souvenirs qui sont ma vie, il y a accès. Je suis nue ici, dans ma maison, autour de ma famille. Ça me fait terriblement peur. Mais si je suis entièrement sincère avec moi-même, je crois qu'il y a bien une part de moi qui est curieuse. Curieuse de voir comment il va évoluer dans mon monde.

- Leindel, dit tout à coup mon petit frère, faisant taire tout le monde, comment avez-vous réussit à guérir Ingrid alors que beaucoup d'autres ont échoué ?

Il ment, assurément. Je ne suis jamais allée voir un docteur, mes parents ont toujours refusé. Et moi aussi. Être un rat de laboratoire n'était pas dans mes intentions.

- Eh bien, commence le lion sans se laisser déstabiliser, comme vous avez pu le constater cela n'a pas était chose facile. Toute la durée où vous avez perdu de vue Ingrid, c'est le temps qu'il m'a fallu pour la décoincer.

- Parce qu'elle était coincée ? demande James, suspicieux.

- Oui, d'un événement traumatisant enfouit dans ses plus profonds souvenirs. C'était finalement plus psychologique que neurologique en fait, assura-t-il dans un mouvement savant de la tête.

- Parce que vous êtes psychologue ? demanda ma mère.

- Non, c'est compliqué. J'ai une gamme étendue de connaissances dont certaines plutôt étranges.

À quoi joue-t-il ? Mes frères seraient capables de se couper le bras pour lui donner tort et le forcer à avouer ses mensonges. Enfin James le proposerait et cet idiot de Nathan le ferait.

- Comme ? demande-t-il justement.

Et voilà. Je prends une inspiration pour intervenir, mais Leindel prend les devants et m'en empêche en posant une main sur mon genoux.

- Je peux par exemple connaître vos émotions d'un simple toucher.

Ma mère ouvre grands les yeux, son âme d'enfant piquée au vif. Nathan se moque ouvertement de Leindel tandis que moi je ris intérieurement. Pas bête le félin. Il va faire passer son super odorat pour une technique de psychologie.

Le Murmure de l'Originelle T-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant