Le Murmure de l'Originelle T-1

41 • Je peux pas, j'ai mes règles.

- Debout, tone-t-il dans mes oreilles !

Je sursaute violement, empêtrée dans mes draps et les vapes du sommeil toujours collés à la peaux. Non mais quel réveil d'horreur ! Ça y est, le bourreau est de retour ! Mais non, je n'ai pas envie... soupirais-je de désespoir. Alors je glisse ma tête sous le coussin et grogne contre lui.

- Je peux pas, j'ai mes règles.

Certaines filles au lycée disaient toujours ça pour ne pas faire sport. Alors pourquoi pas moi ?

- Ingrid je sais très bien que c'est pas possible, répond-il en levant les yeux au ciel. Et même si c'était le cas, je le sentirais.

Ah oui, peut être parce que notre prof n'était pas un sadique doublé d'un lion au super odorat. Mais, soudain, alors que je m'apprêtais à râler comme il le faut, un détail me fait tiquer.

- Tu as bien dit impossible ? demandais-je en sortant un bout de ma tête de sous mon coussin.

Appuyé sur l'embrasur de la porte, il hoche doucement la tête.

- C'est à dire ? Tu ne sous entendrais pas par hasard que je n'aurais plus mes règles, dis-je la voix vibrante d'espoir.

- Si, ou presque. Toutes les espèces magiques vivent très longtemps alors la période de fécondation est bien entendue beaucoup, beaucoup moins fréquente.

- Ah oui ? Tous les combien exactement ?

- C'est variable, dit-il en soupirant, mais entre 3 et 10 ans pour certaines espèces.

J'ouvre grand les yeux, ahurie. Enfin une bonne nouvelle ! Je saute de mon lit, comme poussée par un ressort, et je ne peux m'empêcher de faire une petite danse de la victoire ! Il me regarde avec amusement pendant ma petite choré.

- Ça y est ? Tu es enfin réveillée ?

Je ne peux plus trop clamer le contraire alors j'hausse les épaules et le suis sans même me changer. Mais rien, pas même le pire des entraînements ne pourra ternir ma joie aujourd'hui. Des règles tous les trois voire dix ans, mais quel rêve !

On descend en bas et j'aperçois sur le plan de travail, le reste du gâteau que Brenda m'a laissée hier. La veille, alors que je venais juste de descendre, elle m'a annoncée qu'elle rentrait en ville. Elle ne voulait pas s'imposer plus longtemps selon elle, et surtout elle s'inquiétait énormément pour Camille.

" Mais aussi énormément pour toi Ingrid, je n'en reviens toujours pas. Tu as failli mourir ! Alors si ça arrive de nouveau, appelle moi immédiatement, avait-elle dit en appuyant sur chaque lettre." Une fois que je lui avais assurée que ce sera fait, elle m'avait serrée fort dans ses bras avant de partir avec peine. Mais j'avais tout de même eu la petite surprise de voir un de mes autres péchés mignons : la tarte au sirop d'érable avec des morceaux de pécan.

J'en croque un gros bout lorsque je vois mon bourreau arriver. Il serait capable de m'en priver juste pour le plaisir ! Lorsque le sirop coule dans la gorge et stimule mes papilles, je gémis de plaisir.

- Chai vraiment chro bonch, lui dis-je la bouche pleine, tu devraich chgouter.

Il grimaçe et tire l'assiette vers lui. J'ai beau protester en crachant des miettes partout, il persiste jusqu'à même retirer le bout dégoulinant entre mes doigts.

- Plus tard, la goinfrerie, des fruits seront largement mieux.

Je plisse la bouche de mécontentement et le regarde méchamment.

- Tiens attrapes plutôt ça, dit-il en me lançant deux pommes et une banane.

Tandis que j'essaie de récupérer au vol les fruits, il me tire par le bras pour aller dehors. J'arrive tant bien que mal à les attraper et me laisse entraîner. Enfin, ce n'est pas comme si j'avais réellement le choix. Mais une fois à l'extérieur, j'ai l'agréable surprise de voir le soleil briller dehors, remplaçant les terribles et glaciales flocons. Il y a toujours de la neige, mais au moins, le soleil arrive à réchauffer mon pauvre corps.