Chapitre 9 - Vendomeland

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Galliem se saisit de l'objet d'une main.

— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je.

Maintenant que nous étions sortis de la tempête, nous pouvions nous entendre en parlant juste un peu plus fort que d'habitude.

— On veut de nos nouvelles, répondit-il en me montrant un long et fin sifflet doré.

Il le porta à sa bouche en le tenant de côté, puis siffla un son très aigu et sec. La réponse ne se fit pas attendre : un sifflement semblable résonna depuis le nuage.

Entendre ces sons improbables ici, en plein milieu du ciel, me fit frissonner. Je m'accrochai à une corde pour me redresser vers le nuage. D'autres sifflements suivirent le premier. Des sons aigus, graves, de courtes interruptions, le tout en différentes modulations... un véritable langage. 

Galliem se tapota le menton avec l'embout du sifflet, l'air pensif. Puis il siffla un son passant du grave à l'aigu. Un autre enchaînement rapide lui succéda depuis le nuage.

— Il est drôle, celui-là, bougonna-t-il. Il croit qu'on apprend le Sifflet, à l'armée ?

— Tu parles vraiment à quelqu'un ? m'enquis-je en cherchant une silhouette dans la brume. Qu'est-ce qu'on dit ?

— Je ne comprends pas tout, il parle de nourriture... Peut-être qu'il veut savoir si on a faim. Tu as faim ?

— Heu, non, mentis-je.

— Moi oui. Je vais lui dire oui, on verra bien.

Il refit ce son allant du grave à l'aigu. Aucune réponse, mais le panier continuait de monter, ce qui était la seule chose ayant réellement de l'importance.

Le nuage était vraiment très proche. Je pouvais enfin voir le bout de la corde, il semblait accroché à quelque chose. Notre panier longea un brouillard situé sous le cumulonimbus. Je plissai les yeux, persuadée qu'il dissimulait quelque chose, mais n'en ressortis qu'avec la conviction qu'il faisait bien son travail.

Il ne restait plus que quelques mètres. Des sons nous parvenaient. Un bruit métallique, des voix...

— Tu n'es qu'un abruti fini ! Un imbécile ! Un cerveau d'Utopien grillé !

Une tête hirsute avait fait son apparition sur le nuage. L'homme à laquelle elle appartenait, un quarantenaire torse nu tâché de cambouis, nous regardait d'un œil mauvais, les mains plaquées sur ses solides hanches.

— Rod... Je pensais avoir un autre accueil, fit Galliem dégoûté.

— Attends un peu qu'ils te remettent à ta place ! Idiot de mes deux !

Le panier, tracté par une poulie accrochée à même le nuage — ... quoi ? —  gravit le dernier mètre. Une grande ouverture, camouflée par la brume, donnait accès à une plateforme sur laquelle se tenait l'homme. Nous la voyions de mieux en mieux. Je sentis mes yeux commencer à s'écarquiller ; je ne savais pas encore que ce n'était que le début.

La poulie grinçante s'arrêta de tourner. Le panier se stabilisa et Galliem sauta sur le nuage. Il s'empressa ensuite de me tendre la main, sans doute pas plus serein que moi à l'idée que j'enjambe des kilomètres de vide. Doigts comprimés dans les siens, je le fis d'un bond, en me mordant violemment la langue.

Mes premiers pas furent pour mettre le plus d'écart possible avec le rebord. Maintenant à l'abri, mes cheveux arrêtèrent de voler à tout va, mais je les tins quand même d'une main le long de mon cou, par réflexe. J'eus ainsi ma première image du royaume de Vendomeland.

L'Angevert - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant