Chapitre 18 - Jemelrys Walkaerys

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— Le prénom de papa, c'était Jemelrys, commença Galliem. Il était vachement sympa. Tu vois, il n'avait pas beaucoup de temps, mais il rentrait tous les jours à la maison. Il nous serrait dans ses bras, puis il nous entraînait.

Je n'avais jamais vu Galliem autant se pincer les lèvres en aussi peu de temps. Mais même s'il pouvait être perturbé, il poursuivit :

— Il nous entraînait, parce qu'il disait qu'on ferait de bons soldats. Comme lui. Il a fini haut-gradé, papa, sourit-il fièrement. Et, comme on dit, il est tombé avec honneur. Il paraît qu'il a défendu la Reine et l'Angevert. C'était vraiment le meilleur, pas vrai ?

« Encore cet Angevert. » notai-je, pendant que Galliem se lançait dans une énumération des qualités de Jemelrys. A force, j'avais cru comprendre que c'était une sorte de divinité, une figure mystique devant laquelle on prononçait son serment militaire et au nom de laquelle on se battait.

— Donc c'est pour ça que Migonem l'a mentionné tout à l'heure...

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ? s'enquit-il aussitôt.

Je racontai l'allusion du caporal à notre père en plein combat. Galliem fit la grimace.

— Il m'impressionnera toujours ce Mignoche. Comment peut-on être aussi pervers ?

— J'ai quand même gagné, rappelai-je.

— Oui, je sais. L'histoire de ton combat a fait trois fois le tour de la caserne, avoua-t-il, goguenard. Bon, ce qu'on raconte est parfois un peu tiré par les plumes, mais... bien joué !

Je souris.

— Tu disais qu'il était haut-gradé ? relançai-je, intéressée.

Ma question fit rire Galliem.

— Général, sœurette, annonça-t-il triomphant. C'était l'incroyable Général Walkaerys.

— Ah...

J'attendis. Mais non, mon cerveau ne répondit pas.

Dommage.

— Pardon, repris-je, c'est-à-dire ?

Galliem me regarda avec des yeux ronds. Puis, aussitôt, il bondit, outré.

— Nan, sérieux, Ly ! cria-t-il en attirant l'attention d'une patrouille. Général ! Général ! T'as oublié comment fonctionne la hiérarchie ? — je hochai la tête. Bon, très bien, je vais t'exp... Non, tu sais quoi, c'est trop long.

— Hé ! me plaignis-je.

— Ce qui nous intéresse, c'est le Général, là, non ? Je ne vais pas commencer à te ré-expliquer le fonctionnement du monde, j'aurais jamais fini. Donc, le Général, pour faire simple, il est au-dessus des Colonels des armées. Il dirige tout, quoi. C'est le plus haut-gradé. Le grand patron.

Les informations firent leur bout de chemin.

— Attends... notre père c'était... le plus haut gradé ?

— En temps normal, on dit « Général », pinailla-t-il. Mais oui, ma vieille.

Ça ne devait pas sembler à Galliem, mais pour moi, ça remettait soudain beaucoup de choses en jeu.

Mon père, à la tête des armées ?

Moi, sa fille ? 

Tous les soldats de l'armée me connaissaient-ils au simple appel de mon nom ? Ce garçon coincé de tout à l'heure, Fen, j'en vins à me demander s'il n'était pas intéressé en venant me parler. Dans le fouillis de mes pensées, les paroles de Galliem sur Terremeda me revinrent aussi en tête. « En quelques mois de service, tu as gravi les échelons comme personne. » Mon ascendance expliquait-elle cette facilité ? Ou alors, avais-je été favorisée ? Cette possibilité m'horripila. Si c'était le cas, ma fierté ne s'en remettrait jamais.

L'Angevert - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant