Cette voix douce, claire, légèrement monocorde... A l'instant même où je l'entendis, je sus que je la connaissais et... je ne la reconnus pas. Elle était faible. Plus faible qu'avant.
— Je ne suis pas indésirable, rétorquai-je aussitôt aux rideaux.
Nouveau silence.
— ... Qu'en savez-vous ? souffla-t-on.
— J'ai l'impression que vous me comparez à ces corbeaux, venus frapper à votre carreau dans la journée.
Un soupir me parvint à travers les voiles. Nom d'un insigne de Général, elle était proche.
— Pourquoi n'êtes-vous pas intervenue plus tôt ?
Il ne me fallut pas plus d'une demi-seconde pour regretter de lui faire part de mes reproches.
— Vous auriez pu sauver des vies, continuai-je malgré tout. Et vous n'êtes même pas allée voir ce qu'il en a coûté à tous, d'avoir eu à combattre aussi longtemps.
Je craignis d'être déjà allée trop loin. D'avoir oublié à qui je m'adressais.
— Enfin, tempérai-je. Vous nous avez sauvés, une fois de plus...
— On ne m'a pas laissé faire.
Je sursautai sur mon rebord : une pointe de regret avait percé sa voix. Elle suffit, seule, à me toucher profondément. La raison de ma présence me revint à toute allure en mémoire. Je l'importunais avec mes questions. Je devais aller à l'essentiel.
— Je voulais vous dire que je suis revenue.
Cette phrase en elle-même ne faisait aucun sens. Mais je savais qu'elle en aurait pour elle. Je la voyais clairement : jeune fille de mon âge, cheveux blancs, yeux verts, humides, face à moi qui promettais. Les rideaux continuèrent d'onduler un moment. Je les fixai, attendant une réponse. Puis, mon cœur bondit. Une main squelettique se saisit du voile, pour l'écarter légèrement.
Des yeux à la lueur si faible, qu'elle passait pour des reflets. Des joues aussi creuses que celles d'une personne âgée. Le teint plus pâle que la lune. Et les cheveux de la Reine, blancs, mais plus rêches qu'une nuée de cordes. La divinité de Vendomeland me toisa, le visage impénétrable.
Les secondes qui s'écoulèrent me parurent à la fois immensément longues et bien trop courtes. La bouche de l'Angevert frémit. Elle murmura :
— Non, Lyruan. Tu n'es pas revenue.
Sa main plissa le rideau.
— Mais ça n'a plus d'importance.
Les voiles volèrent derrière elle quand elle disparut.
— Que voulez-vous dire ?
Pas de réponse.
— Que voulez-vous dire, Votre Altesse ?
J'aurais pu attendre des lustres. Insister, encore et encore. Être patiente. Mais ce n'était que la théorie du bon sens, et je semblais avoir oublié ces mots-là.
— Savez-vous ce que j'endure avec cette perte de mémoire ? Pensez-vous sincèrement que j'aie besoin d'un nouveau mystère, surtout venant de vous ?
« Terrain glissant, Lyruan, terrain glissant... »
— Non, en fait, j'ai une autre question. Nous nous connaissons. Nous avons été proches, même si je ne sais ni pourquoi, ni comment. Alors... Alors, pourquoi est-ce que vous ne m'éclairez pas de bon cœur ? Vous devriez vouloir m'aider, regardez, sentez comme je ne supporte pas cette situation !
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L'Angevert - Partie I
ParanormalAdolescente amnésique, Élise pensait que seuls les parachutistes tombaient du ciel... jusqu'à ce qu'un jeune homme s'écrase dans son potager. Le nouveau venu est différent, comme elle. Oreilles pointues, armure de cuir et grandes ailes blanches, il...