Les plus réactifs partirent immédiatement en courant après l'ordre du caporal. Leur rythme était assez soutenu, mais j'accordai mes foulées sur les leurs sans problème. Fen, droit jusque dans sa course, m'escorta de près, mais d'autres eurent plus de mal à suivre. Le caporal, lui, s'envola, tout bonnement. Concentrée sur la caserne, je dus me retenir de lever la tête comme une gamine tenterait de suivre le traîneau du père Noël. Ça ne m'empêcha pas d'entendre notre nouvel instructeur. Quelques mètres au-dessus de nous, il nous lançait des encouragements très... militaires.
— Allez, du nerf, soldats ! Si vous êtes fragiles, cachez-le jusqu'à la fin de la journée !
Ça me fit penser que je ne pouvais pas voler. « Pas de soucis, me rassurai-je, tant que nous restons sur le sol... »
Nous arrivâmes à l'autre bout de la prairie dans divers stades d'épuisement. Le caporal, frais comme un gardon, nous fit une visite express de la caserne.
— L'étage central est réservé au Colonel, la tour de droite aux sous-officiers, celle de gauche aux officiers. Ici, vous avez la salle des armes et les stocks d'uniformes ; attention, une partie se trouve aussi dans la caserne centrale, à cause des rénovations. L'infirmerie est là, les vestiaires sont dans les pièces au fond, avec les dortoirs et les réfectoires. Des questions ? Parfait, lâcha-t-il sans attendre, prenez tous un bâton et une massine, on se rejoint dehors.
Le passage dans l'armurerie à neuf en même temps fut assez houleux. Mais une fois cette épreuve réussie, nous ressortîmes tous du bâtiment, les mains chargées. Notre premier cours de maniement des armes put alors commencer.
Certains d'entre nous avaient malheureusement eu une première expérience avec le bâton. Mais la massine fut une découverte commune. Cette espèce de gros yoyo en bois avait vocation à assommer les adversaires, pour peu qu'on la fît tourner assez vite, et qu'on vise assez bien.
La théorie était simple. La pratique se révéla vite beaucoup plus chaotique...
— Arrêtez de l'envoyer sur votre collègue ! s'énerva le caporal en décollant sèchement une massine du visage du soldat blond. L'ennemi est là-bas ! Vous aussi, les ennemis, cria-t-il à mon groupe. Visez mieux que ça ! On reprend !
Et ainsi de suite jusqu'à ce que — enfin ! — je touche un soldat. Le groupe des ennemis fêta mon exploit par un hurlement de joie, auquel Pleh participa. Fen, à une dizaine de mètres devant nous, tapa humblement dans ses mains.
Une collation sommaire dans les grands réfectoires de la caserne plus tard, nous continuâmes à perfectionner notre lancer de massine, que je finis rapidement par maîtriser. Le toucher de la corde entre mes doigts me paraissait familier, sans malheureusement faire remonter davantage de souvenirs. Je faisais pourtant tourner cette balle bien plus longtemps que nécessaire, uniquement dans ce but. Sans résultats.
Les quelques maniements de bâton, que Trimidis nous enseigna ensuite, donnèrent autre chose. Avant que le caporal ne nous l'apprenne, je me surpris à faire tourner mon arme entre deux coups. Ce réflexe fut pour moi la plus grande victoire de la journée. Je terminai ma reprise par des enchaînements de mouvements au bâton, que j'effectuais joyeusement avec la plus grande rigueur dont j'étais capable. Trimidis ne m'avait plus rien dit depuis la matinée, mais sans qu'il ne le montre jamais, je sentais qu'il m'observait.
Le soleil commença à se coucher. Sous la lueur ambrée des flammes célestes, je remarquai de plus en plus d'escadrons affluer vers la caserne des Blancs, tandis que d'autres en ressortaient. Le service de jour avait l'air de s'achever, allait-il bientôt en être de même pour nous ?
— Soldats, formez les rangs ! répondit soudain Trimidis à ma question silencieuse.
La ligne de tête se forma docilement. La caserne devenait bruyante ; le caporal nous parla plus fort :
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L'Angevert - Partie I
ParanormalAdolescente amnésique, Élise pensait que seuls les parachutistes tombaient du ciel... jusqu'à ce qu'un jeune homme s'écrase dans son potager. Le nouveau venu est différent, comme elle. Oreilles pointues, armure de cuir et grandes ailes blanches, il...