Chapitre 32 - Pour lui plaire

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— Lyruan, Lyruan, relevez-vous.

Cette voix était si douce... Je ne me forçai pas une seconde à obéir. 

Ce sourire de la Reine, ce regard clair brillant d'intelligence, j'avais du mal à réaliser qu'ils étaient pour moi.


Dans un silence imperturbable, nous marchâmes quasiment côte à côte le long des couloirs, elle, paisiblement, moi, plus raide qu'un bâton d'entrainement. Les deux Gardes ne nous lâchaient pas d'une semelle et nous suivaient, ni de trop loin, ni de trop près.

Un privilège. Je vivais un privilège.

— Dites-moi, ma chère, engagea tranquillement la Reine sur le ton de la conversation, deux ans sur Terremeda, cela ne vous a pas paru trop long ?

J'avalai difficilement avant de répondre.

— Non, votre Majesté. J'ai... vécu chez un couple. Comme leur fille adoptive.

— Ce devaient être des gens remarquables, commenta-t-elle gentiment en quittant un couloir pour s'engager dans un autre. J'espère que nous aurons un jour l'occasion de les remercier.

L'idée me fit sourire.

Nous prîmes un escalier. Un des Gardes se rapprocha discrètement pour soulever la traîne de la Reine.

— Votre frère était très certainement heureux de vous retrouver, glissa-t-elle soudain.

Mes lèvres se tordirent en grimace. Galliem. La menace d'exil. Le temps s'était tellement écoulé, que je pensais que la Reine avait passé l'éponge. En serrant les dents, je conservai une expression placide.

— Effectivement.

— Vous l'étiez, vous aussi ?

— Malheureusement, votre Majesté, je ne me souvenais pas de qui il était.

— J'en suis désolée, souffla-t-elle avec douceur.

Le chemin se poursuivit vers un hall intérieur, petite réplique de la salle du trône.

— Ce problème de mémoire doit être bien pesant..., reprit-elle en se dirigeant vers les portes centrales. J'ai cependant appris que vous vous souveniez de quelques détails.

— Effectivement, répétai-je sans savoir quoi ajouter d'autre pour fournir notre conversation.

— M'en voilà ravie.

Un Garde ouvrit les portes. La Reine me fit signe d'entrer avant elle. Je n'osai pas refuser et, les jambes tremblantes, pénétrai dans un salon somptueux, décoré de tentures vertes aux broderies d'or en losange et d'un unique portrait d'homme, cheveux et barbe roux, habillé de blanc. Les grandes fenêtres illuminaient chaque recoin, en donnant une vue imprenable sur la prairie de l'arrière du château.

C'était beaucoup trop grandiose pour moi. Je ne me sentais pas à ma place.

Les Gardes refermèrent la porte, en restant à l'extérieur cette fois-ci. Nous étions seules. Poliment, la Reine m'indiqua un siège. Jamais il ne me fut aussi difficile de m'installer dans un fauteuil aussi confortable. Peut-être parce que ma royale interlocutrice prenait place dans celui qui me faisait face.

— On m'a dit, fit la Reine en croisant lentement les mains, que vos souvenirs concernaient principalement les entraînements. Y a-t-il eu du nouveau depuis ? Comment vous portez-vous ?

Je connaissais déjà la réponse, mais je réfléchis. Il fallait impérativement que je trouve un moyen de défendre Galliem une bonne fois pour toutes. Ce but éclipsait tout le reste.

L'Angevert - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant