Chapitre 23 - Corvée interrogatoire

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Les entraînements se succédèrent et se ressemblèrent. Malheureusement pour moi. Qui que ce soit qui me fit face, les combats ne duraient jamais bien longtemps. Le seul challenge que je pouvais encore trouver était contre le caporal. Régulièrement, il parvenait par un coup surprise à m'envoyer manger les brins d'herbe.

Après moi, dans le groupe, Fen était sans doute celui qui restait le plus longtemps sur ses pieds. Sa maîtrise du bâton était assez exemplaire. Trajectoire toujours nette, jamais de mouvements inutiles... A croire que lui aussi avait été soldat dans une autre vie.


— J'ai suivi des cours avant de venir ici, m'expliqua-t-il un jour, alors que je l'interrogeai.

En continuant de frotter le plastron sur mes genoux, je lâchai un « Aaah » de compréhension.

— Je m'étais toujours demandé pourquoi un militaire dans l'âme comme toi avait attendu d'avoir quinze ans pour s'engager.

— Tu sais tout, répondit Fen en passant un chiffon sur une chevillère.

Sans prévenir, le caporal fit irruption dans la salle des armes, accompagné par Pleh.

— An-Chenlei, vous passez en cuisine, annonça-t-il à peine apparu. Pleh ne supporte pas encore les oignons.

Le pauvre soldat avait les yeux rouges et gonflés. Fen se leva.

— Caporal.

— Allez, la nourriture n'attend pas. Pleh, il faut que ça brille !

— Mon caporal, bougonna le malheureux cuisinier en s'avançant dans la salle.

Fen et le caporal disparurent en direction du repas de midi. Pleh s'assit à la place qu'occupait mon autre collègue, prit au hasard une pièce d'armure sur la grande table et un chiffon dans un bol d'eau. Puis il frotta. Je recommençai aussi à frotter. 

Le silence fut gênant d'emblée.

En l'observant discrètement, je me rendis compte que je ne savais rien de ce Pleh, à part peut-être qu'il venait de la troisième strate du nuage et que c'était un garçon joyeux, qui manquait de confiance en lui. J'y repensai ; Fen avait été dur avec lui lors de notre première journée. Peut-être que j'avais là l'occasion d'arranger les choses...

— Pleh, c'est ton nom ? lui demandai-je.

Il leva sa tête frisée vers moi, avant de la rebaisser.

— Ouais.

— Et ton prénom ?

Il hésita avant de répondre, comme si j'allais l'attaquer quoi qu'il dise.

— Yarmeron, lâcha-t-il finalement.

C'était totalement bête, mais je ne sus pas quoi rajouter. Fallait-il dire que c'était joli ? Ce serait étrange. Devais-je me présenter ? Non, il me connaissait déjà...

— Hé...

Je sursautai presque.

— T'es pas une coincée, toi ? me demanda-t-il. Je peux te parler normalement ?

« Quelle question ! »

— Je ne vois pas pourquoi tu devrais adapter ton langage pour me parler, répliquai-je en mouillant mon chiffon.

— C'est An-Chenlei qui m'a fait me poser la question.

— Pourquoi ? Il est resté lui-même.

L'Angevert - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant