De la campagne à la ville

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Le 29 août, à 15:30
Pour moi, entrer dans une université c'est comme entrer dans une fête. Tu t'habilles bien pour bien te faire voir, mais tu restes réservée. Tu regardes les gens qui t'entourent et les juge, ce n'est pas trop moral, mais bon. Puis, tu te lances sur le milieu de la piste et tu rencontres des gens.

Non, enfait, c'est plutôt comme une boîte de nuit, puisque tu paies l'entrée. A quelques euros près.

C'est sur ces pensées que je passe pour la première fois de l'année les portes de l'université de Madrid. Dû aux fortes chaleurs, la plupart des gens se baladent avec un sac en osier ou défilent en short. Je doute désormais de ma survie dans le jean que je porte et si mon anti-cernes ne risque pas de s'effondrer.

Puisque l'emploi du temps m'a été envoyé par mail quelques jours auparavant, je sais à peu près où aller. Par chance je suis dans le bon bâtiment, je n'ai que quelques mètres à traverser. Cela semble facile mais lorsque la sonnerie retenti, les centaines de personnes se sont empressées de prendre la même direction que la mienne. Je suis compressée par des gens que je ne connais même pas, le tout dans un bain de transpiration. C'est vraiment comme dans une fête.

Après une recherche accrue de ma salle, je me rends compte que je ne suis pas la seule en retard. En effet, je dirais que trois ou quatre filles et deux garçons me suivent. À mon entrée, une salle d'une immense taille se dessine devant moi. Le professeur continue de parler dans un micro et tous, y compris moi prenons doucement place.

Les deux heures se sont écoulées très très lentement. Rien n'est palpitant, à mes yeux. Je vois certains commencer à prendre des notes sur leurs tout derniers ordinateurs Apple, tandis que d'autres avaient la foi d'écrire chaque mots qui sortait de la bouche du professeur. Ce n'était qu'un sommaire de ce que nous étudierons cette année et le déroulement des examens.

Tout en écrivant dans son carnet, la fille à côté de moi me chuchote: « Tu prends pas de notes? »

Je ne compte pas répondre puisque la réponse est assez claire, non je n'en prends pas.

Mais un garçon installé sur un banc plus haut éclaircit sa voix pour lui répondre. « Y'a pas besoin, ça te servira à rien. Parole de redoublant. » Dit-il en posant sa main sur son cœur, d'un ton solennel. Je regarde le garçon en attendant ce que comptait rétorquer la fille. Les boucles brunes du garçon remontent lorsqu'il hausse les sourcils, il porte un sourire narquois et à un accent latin, je dirais chilien, lorsqu'il parle. Je trouve ses yeux noir de jais plutôt petits, je les compare de suite à des billes. Bizarrement, on capte vite par sa posture et ses vêtements débraillés qu'il avait redoublé. Mais pour redoubler la première année de design, il faut le faire.

Lorsque notre professeur nous laisse partir, je prends le temps de localiser mes futures classes et admire les jolies cours qu'abrite cette université prestigieuse.

Cette université est la clé pour obtenir un travail stable et loin de la campagne où je pourrissais depuis dix-sept ans. Mon sac à dos sur une épaule et mes écouteurs dans les oreilles, je me mets en route pour rentrer à ma résidence universitaire. J'attends l'autobus pendant une dizaine de minutes avec près de moi deux étudiants. A vrai dire, j'ai entendu dans cette fac que la plupart des étudiants, ou du moins les parents étaient riches. J'en déduis que ce n'est pas commun de retrouver quelqu'un à cet arrêt. Face à moi se dessine l'horizon. C'est le seul arrêt de bus qui n'a pas face à lui des bâtiments qui occultent cette belle vue. C'est peut-être pour ça que l'arrêt s'appelle comme ça: le Bellavista. Je vois l'autobus. En me plaçant sous le soleil pour patienter l'arrivée du bus, je regarde mes souliers traîner sur des pavés typiquement espagnol de couleur brique.

En entrant dans l'appartement, des valises Louis Vuitton jonchent sur le sol. Des talons Jimmy Choo à terre indiquent une direction: la chambre de la colocataire qui était censée arriver il y a deux semaines.

Je ne m'avance pas jusqu'à sa chambre, je cris seulement: « Il y a quelqu'un? »

Soudainement, une fille apparaît. Son t-shirt est parfaitement rentré dans sa jupe. Ses cheveux ondulés artificiels bougent lorsqu'elle commence à marcher vers moi. Elle me tend sa main parfaitement manucurée et hâlée pour se présenter. La fille me sourit malicieusement. « Ouh! Excuse-moi pour tout ce bazar! Je suis Lucrecia... enchanté. » Me dit-elle.

Je lui serre la main, qui est rougie par le soleil. Désormais honteuse de me présenter après avoir été sous le cagnard, je quitte rapidement sa poignée de main.

« J'étais censée arriver quelques jours avant, mais you know, les cours pendant l'été m'ont déconcentré! Attends, je vais appeler quelqu'un pour qu'il emmène tout ça dans ma chambre, ça va faire du propre. »

J'étouffe un rire et lui réponds, suspicieuse: « Ehm, je doute que quelqu'un puisse le faire pour toi. Mais je peux t'aider, si tu veux. »

Elle reprend son faux sourire laissant paraître ses dents parfaitement alignées et blanches et hausse les sourcils tout en disant: « Non merci, je vais me passer de ton aide. Mais je suis Lucrecia Hendrich! Je ne veux pas faire la diva mais come on! Personne n'est payé pour faire ça, ici? »

« Tu es dans une résidence universitaire. » Dis-je hésitante, par peur qu'elle réagisse mal. « Tu ne t'attendais pas à ce qu'un portier fasse tes tâches? » Je questionne sérieusement.

Elle glousse avant de rétorquer d'un ton se voulant dominant. « Tu es une première année, j'imagine. Écoute chérie. Ici, tu étudies dans l'université la plus prestigieuse du pays, ça ne te choque pas que pour le prix que tes pauvres parents paient, il n'y ait pas ce genre de services indispensables?! » Me dit-elle d'une traite.
Irritée et sur le point de lui répondre, elle continue son monologue. « Je suis trop jetlaguée, je prends mes affaires et je réglerais le problème demain. Bye! »

Pendant que ma nouvelle colocataire prend ses affaires, je dépose mon sac à dos sur le lit. Je prends une douche, me lave les cheveux et profite du soleil les faire sécher. Je me pose sur la terrasse, mes cheveux blonds reposent. Je reste accoudée sur le canapé de jardin tout en étant sur mon téléphone, jusqu'au couché du soleil.

 Je reste accoudée sur le canapé de jardin tout en étant sur mon téléphone, jusqu'au couché du soleil

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Promiscuité - Ander MuñozOù les histoires vivent. Découvrez maintenant