Défense

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Le 6 mai, à 01:21
Je me lève du lit et ouvre la baie vitrée. Je me pose sur la balustrade de la terrasse, admirant la magnifique vue qu'ont Madame et Monsieur Nunier. J'entends des pas se précipiter vers moi. Ander me regarde, essaie de capter mon regard, mais je ne veux pas.

« Tu m'es redevable, tu as dit? » Je ne réponds pas. « Siro! » M'interpelle-t-il.

« Oui. » Murmurais-je.

« Alors, écoute-moi. » Je serre la mâchoire. « Et regarde-moi, s'il te plaît. » Je me tourne vers lui, un goût d'amertume au fond de la gorge. « Je ne t'ai pas du tout évité, au début. J'ai voulu venir te voir, puis j'ai dû partir à Alicante pour la fac. Je suis mature— » Je hausse les sourcils sur le point de lui dire que ce n'est pas le cas. Il me donne un regard entendeur pour que je le laisse finir. « Je voulais venir te parler, te dire que... que c'était ouf, ce qu'on avait fait! J'avais aimé. Mais j'ai été pris par les cours. » Heureusement que nous sommes dans le noir, je ne veux pas qu'il me voit rougir pour lui. La plupart de mes inquiétudes n'existaient plus. Il avait apprécié notre moment. Et je mentirai si je disais que quand j'y repense, je ne rougis pas ni souris. « Puis je m'attendais à ce que tu m'envoies un message. Je ne sais pas si tu n'osais pas, si tu étais aussi occupée, mais on s'en fiche. J'ai cru que tu ne voulais pas en parler parce que tu avais un copain qui est en fait ton frère. J'ai totalement mal interprété et cette connerie m'a mené à utiliser Victoria. On s'est croisés, tous les quatre, le premier mai. Tu étais avec ton frère, que je présumais être ton mec, et moi Victoria, a qui j'ai balancé quelques mots doux pour qu'elle tombe dans mes bras le jour où mes parents viendraient me rendre visite. Je l'ai utilisé pour que... pour qu'ils soient attendris lorsque j'allais leur dire que je vais arrêter le tennis. » J'écarquille les yeux. Arrêter le tennis? Mais sa bourse dépend de ce sport, il est fou?! Ses parents vont le tuer. « Je n'ai même pas pu leur dire. Elle parlait trop. » Il me sort un sourire et je pouffe en rabattant mon regard sur la vue. Il me prend par l'épaule et me force à le regarder. « C'est de ma faute, je suis responsable de ce merdier. Tu me comprends? Je sais, c'est archi tiré par les cheveux mais... mais c'est la vérité. »

Je suis dubitative. D'après moi, il est jaloux du moindre garçon avec qui je traîne. Il a toujours peur de se faire avoir, alors il préfère écraser les gens, et en l'occurrence cette fois-ci, c'est moi. Mais ça ne peut pas marcher comme ça. Sous prétexte que ça n'aille pas dans son sens, il se permet de me faire pleurer, de me faire regretter, culpabiliser, de me faire sentir mal, pour son propre bonheur: gagner et avoir ce qu'il veut. C'est peut-être un malentendu toute cette histoire, mais si ça s'est passé, ça peut se repasser, et je ne serai pas prête: avec Ander Muñoz on est jamais prêt, et je déteste cela.

Je lui tire une grimace, pas convaincue. « Ander, comme je te l'ai dit, tu es trop compliqué. Ce qu'il s'est passé, à la fac, ne se repassera plus. Parce que je ne veux plus. Parce qu'il y aura toujours un problème de communication. Alors, oui, pour toi c'est que du sexe, ça n'a pas de signification, mais moi je dois me sentir en sécurité, confortable. Si c'est pour qu'après tu m'écrases en purée en utilisant une fille parce que je parle avec un garçon, ou je ne sais quel plan machiavélique, ça ne me convient pas. » Il plisse ses lèvres et hoche la tête en regardant la vue. « Je pense qu'on a mis beaucoup de temps à s'accorder confiance l'un dans l'autre, a devenir 'amis' » dis-je entre guillemets, « et ce serait dommage de ne plus se parler parce qu'on s'est pris la tête au sujet d'une partie de jambes en l'air. » Il ne répond pas et se contente d'écraser son mégot avec sa basket. Il se colle à la balustrade et je m'en éloigne. Je sors un rictus mimant un 'désolé' en lui caressant très rapidement l'épaule avant de dire, près de la baie-vitrée: « Je pense que je vais rentrer chez moi. On se voit à la fac? » Je n'attends pas vraiment une réponse. Je sais qu'il réfléchit à ce que je viens de sortir, mais je quitte la terrasse, avec ma conscience plus que légère.

Promiscuité - Ander MuñozOù les histoires vivent. Découvrez maintenant