Promiscuité - Ander Muñoz

Premières fois

Le 30 mars, à 00:03
Le frein se fait entendre et ni une ni deux, Valerio se penche pour nous ouvrir la porte. Il en sort le premier, puis toutes les filles sortent, les garçons font de même avant que Cristian frappe deux fois la carcasse du van, pour que le chauffeur parte. J'entends les mains de Valerio se frotter derrière moi: « Ce soir, on va s'amuser. Je te le dis Chavez. »

Une foule fait des pieds et des mains pour avoir une chance d'entrer dans la boîte de nuit prisée par l'élite madrilène. Ce club, tout le monde y est allé au moins une fois dans sa vie. C'est comme aller à Paris et ne pas visiter la tour Eiffel. Du moins, c'est comme le voient les élitistes. Elle est tellement prisée qu'il faut réserver une table une semaine avant, sauf si on est pistonné. Je me demandais pourquoi tout le monde se mettait sur son trente-et-un. Je comprenais la volonté de bien s'habiller, mais quand je voyais Nadia, elle semblait tellement différente. Elle m'a raconté que c'était parce qu'elle avait espoir de tomber sur un ex-camarade de Las Encimas et de lui montrer ce qu'elle est devenue.

« Ils ont toujours cru que je n'allais pas réussir. À travailler pour quelqu'un, ou ne pas finir mes études à cause de ma religion. N'importe quoi! » Me raconte-t-elle autour d'un verre, obligée à augmenter le son de sa voix pour que je l'entende.

Lucrecia, le nez planté sur son téléphone, sûrement entrain d'espionner des gens sur les réseaux sociaux se fait entendre par son gloussement: « Dans le fond, ils n'ont pas vraiment tort. Tu n'es même plus à l'université. » Elle décroise ses jambes en laissant son verre à moitié plein sur la table pour rejoindre Carla au bar. Je fronce les sourcils et rabats mon regard vers Nadia.

« Tu ne m'avais pas dit que tu faisais des cours par internet? »

Elle acquiesce en regardant la brune se dandiner jusqu'a sa destination. « Pour elle, faire des cours par internet, ça n'a pas de valeur. » Nous voyons Valerio et Guzman débarquer vers nous.

« Arrêtez de parler et bourrez-vous la gueule avec nous! » Nous ordonne Valerio en me prenant par la main d'un air théâtral. Je ricane légèrement et commence à me déhancher dans la marée de gens. La musique me fait découvrir les talents de danseur de Cristian. Sa copine, à contrario, se contente de lever son poing dans l'air, comme Marina avec un verre à la main. Dans l'ensemble, tout se passe très bien. Je tourne légèrement ma tête de gauche à droite, il semble manquer quelqu'un. C'est Ander. Je le cherche du regard, mais j'ai peur que les autres remarquent, alors je tente d'être discrète.

Il avait suffit d'une minute d'inattention pour voir tout le monde, un verre à la main.

« Règle numéro une dans une fête: ne jamais avoir les mains vides! » Valerio me serre un verre rempli de tequila. « Cul sec! Cul sec! » Aussitôt, tous mes amis se mettent à scander: « Cul sec! Cul sec! » À chaque gorgée de l'alcool, ma gorge se languit du goût et l'encouragement de mes amis devient de plus en plus grave, jusqu'à voir a travers le fond du verre vide la tête de Valerio. « Un autre! » Je recouvre le dit-verre de ma main en refusant.

« Non, mon plan n'est pas de me bourrer ce soir. »

« Alors c'est quoi ton plan ce soir? » Entendais-je derrière moi. Cette amertume presque naturelle dans la voix ne peut appartenir qu'à Ander. Alors, je ne me retourne pas, et je ne lui réponds pas. Je ne sais même pas s'il est toujours derrière moi, mais je ne tarde pas à le savoir: parce qu'il s'est fait pousser ou par pure provocation, je sens son torse se coller à mon dos. Et j'espère que les frissons que j'ai ressenti sont les effets secondaires de l'alcool, mais j'en doute. J'en doute tellement que je finis par me retourner et tomber sur lui. Je me suis écartée d'un pas, je me sentais trop asphyxiée, il a vu.

« Tu as peur? »

Je pouffe en le fixant. « Peur? Et peur de quoi? »

Ander me tire sa moue de joueur, me regarde de haut d'un air challenger: « C'est à toi de me le dire. C'est toi qui a sursauté. »