Une odeur de pâturages

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Le 16 septembre, à 09:45
Tandis que je plonge mes deux sucres dans mon thé a la pêche et que le micro-ondes tourne à plein régime pour m'offrir des cookies parfaitement tièdes, la porte de la chambre à Lucrecia s'ouvre sur un garçon qui ne m'est pas inconnu. C'est le redoublant bouclé qui est dans ma classe de design d'intérieur. Il a déjà délaissé les cours: on ne le voyait jamais. Encore une fois, sa chemise Ralph Lauren n'est pas repassée et sa cravate est défaite. J'hausse les sourcils et arrête le micro-ondes, tout en le regardant.

« On se voit en cours! » Lance-t-il avec un sourire narquois, avec le même jeu de malice que Lucrecia.

« Bien-sûr! Comme d'habitude n'est-ce pas? » Dis-je ironiquement.

Il me lance un clin d'œil, avant d'ouvrir la porte et de la claquer avec enthousiasme.

« Valerio! » Cri Lucrecia qui semble être toute émoustillée. À ma vue, touillant mon thé, elle sort de l'encadrement de sa porte. Dans sa chemise en soie elle apparaît dans la cuisine avec une mine déterrée. Elle prend le café qu'il reste dans la machine et le verse dans sa tasse noire. Elle pose sa tête cernée dans ses bras, toujours pas habituée à la lumière naturelle. Un cri d'exaspération s'échappe d'elle puis elle meugle: « Pourquoi papa m'a coupé les vivres! J'aurais pu avoir mon propre penthouse mais non, je vis dans une résidence universitaire! Pauvre de moi. »

« Tu vas vite t'y faire. C'est pas la mort, non? » Questionnais-je.

« Tu rigoles chérie?! Il est hors de question que je m'y fasse, toute façon je vais tout faire pour que mon père alimente mon compte et d'ici décembre Thanks God tu ne me vois plus. »

Je m'assois à table. Puisque je suis déjà prête, il me reste quelques minutes pour terminer mon petit-déjeuner. « Je le connais, lui. » Alertais-je ma colocataire à propos du garçon qui vient de quitter mon appartement.

Aussitôt, elle relève la tête et écarquille ses yeux bouffis. « Quoi?! »

« Oui, c'est Valerio? » Dis-je.

Elle ne me répond pas. Elle balance la tête vers l'arrière. Pendant ce temps, j'écoute les messages vocaux que mes amis m'ont envoyé. Sans vérifier le volume, la voix de Selena, une amie, se déclenche: « dans une semaine tu vas enfin pouvoir venir en boîte avec nous! La petite Siro va avoir dix-huit ans! » Lucrecia lève sa tête et hausse ses sourcils bien dessinés. « Tu n'as toujours pas dix-huit ans? Oh mon dieu! »

Je hoche ma tête en tapant des mots sur le clavier de mon téléphone.

« Il faut qu'on fête ça! » Se réjouit-elle.

« Oh non non, crois-moi je n'ai pas envie de le fêter. Puis ça tombe un jour de cours alors laisse tomber. » Assurais-je.

« Tu as déjà bu? »

Je me gratte la nuque tout en mettant la tasse dans l'évier. « Là n'est pas la question. Ça tombe en jour de semaine. »

« Oh mais regarde, hier j'étais en boîte avec mes amis jusqu'à il y a quelques heures... » Commence-t-elle tandis que je prends mon sac et je branche mes écouteurs, « et regarde ma tête: comme si j'avais dormi paisiblement pendant huit heures! »

« Lucrecia, je n'ai pas le temps de t'écouter je vais rater le métro. » Dis-je en me dirigeant vers la porte d'entrée.

« Ah parce que tu prends le métro? Désolée pour toi. » Chuchote la brune avant que je ne ferme la porte.

Elle ne perd pas une seule occasion pour faire la fête.

En arrivant dans l'établissement, je parcours doucement les couloirs des deux différents bâtiments. Le premier situé au sud est destiné aux cours de sociologie, des sciences humaines et du marketing. L'autre au Nord est le département artistique avec la fac de lettres, de dessin et de musique. Je suis généralement dans le bâtiment du Nord. Je m'installe à une place à l'heure. Valério, quelques secondes plus tard m'aperçoit et s'empresse de s'assoir à côté de moi en bousculant des étudiants. Heureusement qu'après être parti de chez moi il a prit une douche parce que je n'aurais sûrement pas supporté trois heures à côté de lui.

Promiscuité - Ander MuñozOù les histoires vivent. Découvrez maintenant