Prendre du temps pour nous

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À ses mots je ressens un autre pincement au coeur. Je n'en reviens pas... il m'aime bien.

« Mais c'est... c'est dommage. » Il se rassoit sur la table, les sourcils froncés.

« Pourquoi? » Je me pose à ses côtés, sur la chaise. « Tu n'auras plus ta tête de turque? »

« Arrête. » Dit-il après avoir pouffé.

« Moi, je suis plutôt contente. De partir. » Je me mords la lèvre.

« Ah ouais? »

« Ouais, je suis comme... libre. Puis, j'aime pas ce que je faisais, de toute façon. »

Un silence s'empare de la grande salle. Il me répond plus tard. « Tu veux savoir un truc, Siro? » Je hausse les épaules. « Tu es la pire menteuse que j'ai jamais vu. »

Il pouffe et ferme les yeux une seconde. « J'ai pas menti. » Ripostais-je.

« Alors tu te mords la lèvre jusqu'au sang pour aucune raison? Puis si on te connait bien, on sait que tu aimes tes études. Tu en parle tout le temps, tu fais tous les jours tes devoirs, tu es attentive... »

« Ouais, je suis une intello, dis-le. »

« Non. Tu es une passionnée. Et il n'y a rien de mal à ça. Au contraire. Et je trouve vraiment que c'est du gâchis d'arrêter là. »

Je lève les yeux au ciel. Il ne va pas me faire le même discours que tous les autres, quand même. « Mais après tout, la décision ne me reviens pas. C'est la tienne. Si tu penses que... »

« Ander, je n'ai pas le choix. C'est ça ou rien. »

« Je ne compte pas t'influencer. Je pense juste que si tu ne continues pas tes études, je ne pourrai jamais dire à mes potes 'Eh' » commence-t-il en pointant vers le plafond « 'Vous voyez ce building? Ben c'est une fille que je connais qui l'a fait' » Ce qu'il me dit m'arrache un sourire, même si je ne le veux pas. « Si c'est le mec le moins studieux du monde qui te dit de ne pas lâcher, c'est que ta situation est critique. » Il souffle. « C'est vraiment con! » Il fait secouer ses jambes dans l'air. « Je ne vivrai jamais dans un immeuble conçu par ton cabinet d'architecture. »

« T'es con. » Je pouffe, cachant misérablement mon sourire. Il le remarque et m'offre un vrai sourire. Le type de sourire qu'il n'a jamais sorti. Un sourire réel, sans artifice, pas mesquin, un sourire.

« Vu que tu vas partir, on peut se parler honnêtement? » Il tourne la tête vers moi.

« Oui. »

« Tu gâches ta vie si tu repars. Tu le sais, je le sais. Même si ta situation est critique, je pense que tu devrais peser le vrai pour et contre. Si tu pars là-bas, tu vas vivre avec tes parents. En Asturies. Les Asturies, putain! Tu auras un travail minable et tu paieras jusqu'à la fin des temps ton crédit étudiant. Alors que si tu les continues, tu seras tellement pétée de thunes que tu n'auras qu'à claquer des doigts et ton crédit est remboursé. Tu seras tellement riche que tu pourras payer une maison à tes darons. Le calcul est vite fait. » Je sors un sourire triste.

Je me lève et commence à faire les cents pas devant lui. « Si c'était si facile. »

Il m'arrête et me prend par les épaules. « T'es trop défaitiste! » S'écrie-t-il.

« Si tu connais un moyen d'arrêter, dis-moi! »

« Pourquoi tu t'énerves? »

« Parce que tu me rends nerveuse. » Avouais-je-je du tac au tac.

Il me lance un sourire en biais et répète ce que j'ai dit: « nerveuse? »

« Ce... n'était pas dans ce sens. » mentais-je à voix basse. Je regarde à ma gauche, « Et ça ne le sera jamais. » puis je dérive mes yeux sur lui.

Promiscuité - Ander MuñozOù les histoires vivent. Découvrez maintenant