Chapitre 12 - Le bien et le mal

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« Établir les lois de Fort-Rijkdom fut un processus long : chaque royaume a bataillé ferme pour imposer son droit, sans y parvenir. Car, ne l'oublions pas, cette ville n'est pas ardrasienne, ni wallende, ni nærmarkienne ou haiguosie. Elle est tout cela à la fois. Les intérêts personnels et la corruption ne peuvent avoir cours en son sein. Et, j'ose le croire, Fort-Rijkdom a bâti un système juste et durable. »

Traité sur le Pays d'en Haut



Jan referma doucement la porte derrière eux, et Lizzie s'autorisa enfin à prendre une longue inspiration tremblante. Elle se laissa choir contre le chambranle.

Après de longs débats et un recensement de chaque convive par la garde de Fort-Rijkdom, le trajet du retour, en diligence, avait été des plus pénibles. À chaque instant, elle s'attendait à ce que le fiacre s'arrêtât et à ce qu'elle fût sommée de descendre, des canons pointés sur elle.

Lizzie verrouilla discrètement la porte à l'aide de son cræft. En vérité, aucune serrure n'arrêterait les officiers de la garde, à moins qu'elle ne maintienne une vigilance constante pendant la nuit. Mais elle se sentit plus rassurée ainsi.

— C'était vous, chuchota Jan.

Elle acquiesça tout en retirant ses gants, les joues brûlantes.

— Bien sûr que c'était moi.

— Je ne vous ai pas vue faire.

— Tant mieux.

Jan laissa échapper un souffle qui ressemblait presque à un rire. Il se dépêtra de son manteau, tout en dardant un regard attentif sur elle.

— Drew Ferian est-il vraiment une connaissance de votre frère ?

— Non.

— Fort bien, grommela Jan. J'aurais détesté savoir que mon beau-frère fréquente ce genre de personnes. Mais je suppose que vous n'avez même pas de frère, n'est-ce pas ?

Lizzie sentit son cœur se serrer. Elle hésita un instant, mais après tout, Jan savait déjà qui elle était. Elle n'avait pas de raison de continuer cette mascarade plus longtemps auprès de lui.

— Non, avoua-t-elle en un souffle. Mais Ambroise... c'est comme s'il était ma propre famille. Je le connais depuis longtemps. Et tant que je serai à Fort-Rijkdom, il tiendra ce rôle. C'est de la plus haute importance.

— Je comprends. Je garderai le secret.

— Merci.

Jan se racla la gorge, tout en défaisant silencieusement son col de dentelle. Dans la pénombre percée d'éclats bleutés, il les guida jusqu'au salon, et leur servit deux verres de brandy avant de prendre place dans un fauteuil. Lizzie raviva la lueur des lampes que Fiona avait laissé allumées. La femme avait dû aller se coucher depuis longtemps — il était affreusement tard, et Jan lui avait demandé de ne pas les attendre.

Lizzie s'assit à son tour, et se saisit du récipient.

— Vous tremblez encore, commenta le jeune homme.

— Non, répondit-elle machinalement.

— Si.

Lizzie baissa les yeux sur ses doigts. Oui. Ils trémulaient contre le verre, et le tissu de sa robe tressautait sur ses jambes tremblantes. Elle haussa les épaules.

Elle fut soulagée de constater que les mains de Jan étaient elles aussi agitées de soubresauts.

— Vous avez le droit d'avoir peur, Lizzie. Vous avez le droit d'être terrifiée par ce que vous avez fait.

La Lame des Bas-Royaumes / 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant