Lizzie fut tirée du sommeil par des bruits sourds. Des coups frappés à la porte, un étage plus bas, et qui paraissaient ébranler les murs de la maison.
Elle se redressa brutalement, frissonnant dans la nuit froide, le cœur battant dans sa gorge. La garde était venue pour elle. On allait l'arrêter, et la pendre pour meurtre, peut-être même la brûler pour malcræft. Quelqu'un aurait entendu sa conversation avec Jan, dans les ruelles, le soir de l'assassinat. Ascelin de Glaves avait décidé de la dénoncer. Ou Carlton Belvild.
Peut-être même Jan avait-il orchestré cela. Avait-il deviné l'ordre que lui avait donné Ambroise ? Avait-il trahi la promesse qu'il lui avait faite, à peine quelques jours plus tôt, celle d'empêcher Belvild de lui nuire ?
Elle percevait déjà les pas de Fiona qui descendaient les escaliers grinçants. Un instant, elle songea à demeurer là, dans la relative sécurité de sa chambre. Dans l'ombre où elle pouvait se dissimuler, attendre – les attaquer par surprise. Mais que ferait-elle ensuite ?
Elle projeta son ouïe vers la porte d'entrée, tâchant d'ignorer la douleur qui vrillait ses tympans.
A sa grande surprise, ce fut une voix de femme qui lui parvint. Une voix qui s'exprimait en ardrasien.
— S'il vous plaît ! S'il vous plaît, monsieur, je dois parler à Lizzie.
Lizzie plaqua une main contre son cœur. Celui-ci venait d'accélérer dans sa poitrine.
C'était la voix de Magdalene. Chargée de détresse.
Lizzie repoussa vivement les draps et les fourrures qui recouvraient son corps, et passa un châle autour de ses épaules.
C'est peut-être un piège, souffla son esprit alors qu'elle ouvrait la porte de la chambre.
Elle descendit quatre à quatre les marches, et faillit percuter Jan qui montait en sens inverse. Ses doigts s'enroulèrent autour de ses poignets pour la stabiliser. Par dessus son épaule, elle avisa Magdalene, dissimulée dans la pénombre du porche, Fiona montant la garde devant elle.
Les mains de Jan se crispèrent sur ses avants-bras.
— Je n'ai pas compris un traître mot de ce qu'elle raconte, mais j'ai cru percevoir votre prénom, chuchota-t-il.
— Je la connais. Elle était avec moi sur le navire qui nous a amenées à Fort-Rijkdom, c'est une fille du roi comme moi. Est-elle... est-elle seule ?
Le regard de Jan s'étrécit légèrement.
— Oui, répondit-il prudemment. Et c'est une chance que la garde ait levé sa surveillance. Elle est couverte de sang.
Les yeux de Lizzie s'écarquillèrent. Elle repoussa sans ménagement le jeune homme et dévala les dernières marches. Fiona émit un cri de protestation lorsqu'elle la bouscula et entraîna Magdalene à l'intérieur, refermant la porte derrière elle. Une ecchymose violacée s'épanouissait sur sa mâchoire. Ses beaux cheveux sombres étaient relâchés, emmêlés et sales. Sa poitrine se soulevait de façon erratique, et la simple robe de nuit qu'elle portait était maculée de rouge.
Lizzie accrocha son regard au sien, et elle sentit poindre dans ses yeux les mêmes larmes qui dévalaient déjà les joues de Magdalene.
— Lizzie... croassa-t-elle.
— Tu es... tu es blessée...
— Non, ce... ce n'est pas mon sang. C'est le... le sien.
Elle n'eut pas besoin de demander des précisions.
Lizzie sentit la colère dans son ventre se relâcher un instant. Avant que la peur ne prenne le relai.
— Il est mort ?
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La Lame des Bas-Royaumes / 1
FantasyChaque année, des jeunes femmes de basse extraction sont dotées par le royaume et traversent l'Entre-Mer pour peupler les colonies du Pays d'en Haut. Un début d'été, Élisabeth Prudence, orpheline de la Pension royale, embarque pour ce nouveau monde...