Chapitre 28 - L'interrogatoire

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Elle contemplait la porte derrière laquelle Jan van Stoker avait disparu.
— Tout va bien, madame ? Vous êtes très pâle.

Le souffle court, Lizzie parvenait à peine à respirer. On lui demanda de se lever, et Lizzie effectua quelques pas, soutenue par un officier. Il la guida jusqu'à la cuisine.

Tout reposerait sur ses épaules à elle. Elle devrait dire exactement ce que Jan dirait, et elle n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait inventer. Elle se figea brutalement. Ambroise ne l'avait pas entraînée pour rien. Modifier ses sens grâce au cræft était incroyablement douloureux, encore plus dans cet état de choc, mais elle le devait.

Elle s'assit sur le banc posé contre un pan de mur. Fiona se trouvait là elle aussi, livide, tirée du lit par la garde.

— Madame ? répéta encore une fois l'homme posté près d'elle.

Lizzie laissa ses paupières papillonner un instant, et afficha une mine confuse.

— Excusez-moi. J'ai... j'ai du mal à respirer. Je ne comprends pas... Je ne comprends pas ce qu'il se passe.

En vérité, elle avait à peine besoin de jouer la comédie.

— Reprenez vos esprits.

Il lui tapota délicatement la main.

Elle hocha la tête, et laissa le cræft l'envahir, le guida jusqu'à ses oreilles. Une douleur sourde vrilla ses tympans et projeta son attention vers le bureau. Le bruit des portes que l'on claquait, des pas et des ordres aboyés était assourdissant. Partout dans la maison, les tiroirs étaient retournés, les placards ouverts. Elle serra les dents. Derrière le vacarme infernal, elle percevait un murmure à peine audible. Pas assez pour discerner les mots que Jan prononçait.

Une main sur son bras la fit sursauter.

— Madame ? Je vous demandais si vous aviez d'autres domestiques que cette femme.

La jeune femme battit des paupières. Fiona se tenait dans la cuisine, à côté d'elle, vêtue d'une simple robe de chambre. Lizzie prit ses doigts potelés et tremblants dans les siens.

— Non, monsieur.

Un autre garde entra dans la cuisine — ils avaient appelé des renforts.

— Madame, c'est à vous.

Elle se leva, libérant la main de Fiona.

Elle croisa Jan dans le couloir. Il lui adressa un regard qu'il voulait rassurant, mais qui ne réussit qu'à augmenter sa peur.

Un autre interrogatoire jouait dans son esprit. Un autre empoisonnement. Elle se souvenait encore avec précision des cauchemars qui avaient hantés ses nuits, des mois durant.

Oui, songea-t-elle avec amertume, Ambroise l'avait préparée.

Elle savait ce qu'elle avait à faire.

Lizzie entra dans le bureau, la tête haute. Mais ses traits arboraient un air terrifié qu'elle n'eut pas besoin de feindre.

Elle prit place sur la chaise que lui désignait l'homme — grand, le visage rond, et des yeux enfoncés dans ses orbites qui la regardaient avec une méfiance qui n'augurait rien de bon.

— Vous êtes bien madame Jan van Stoker ?

Lizzie tressaillit. Non, fut-elle tentée de répondre. Je suis Lizzie Prudence.

— C'est bien moi.

— Depuis combien de temps êtes-vous mariée à monsieur ?

— Un peu plus de trois mois.

La Lame des Bas-Royaumes / 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant