Chapitre 21 - Le sang

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Il faisait jour lorsque Lizzie grimpa enfin les marches du perron. Sa progression avait été ralentie par les douleurs qui meurtrissaient son corps. Une plaie béante s'ouvrait dans son bras, à l'endroit où le mousquet avait fait mouche. Elle faisait de son mieux pour ne pas laisser une trace de son passage sur les pavés en comprimant la plaie avec le tissu de son pourpoint. Au moins, ses oreilles ne sifflaient plus, et l'aveuglement qui l'avait éblouie avait fini par cesser de danser sur  sa rétine.

Il lui avait fallu, en revanche, se montrer discrète, et se dissimuler à la vue des passants et des fiacres. Elle attirait bien trop l'attention dans cet accoutrement. La vue de la maison l'avait emplie d'un soulagement tel quel en avait rarement ressenti. Toute la tension qui la maintenait éveillée avait disparue, et elle n'aspirait plus qu'au sommeil.

La kirk voisine avait sonné huit coups. Avec un peu de chance, Fiona serait partie faire les courses, et ce serait Jan qui lui ouvrirait. Elle pouvait toujours prétexter avoir été agressée, mais elle n'osait imaginer comment elle expliquerait son étrange accoutrement à la domestique.

Après une inspiration tremblante, elle saisit le heurtoir et frappa.

Rien. Elle frappa une seconde fois, un peu plus fort.

Ses vêtements tachés de sang attireraient l'attention si elle restait trop longtemps sur le seuil — une chance que le quartier fût paisible. Elle allait se résoudre à déverrouiller la poignée à l'aide de son cræft lorsque la porte s'ouvrit.

Ce fut le regard de Jan, écarquillé de stupeur, qui la transperça. Ses yeux descendirent sur sa tenue, remontèrent sur son visage.

— Qu'avez-vous fait ? souffla-t-il.

Elle ne voulait pas parler. Elle voulait juste rentrer. À l'intérieur. En sécurité.

Et dormir.

Devant son silence, il soupira.

— Dépêchez-vous de monter, murmura-t-il. Silencieusement. Mon père est dans le bureau. J'ai affirmé à tout le monde que vous étiez alitée.

Elle se glissa dans le couloir. Gravir les degrés sans bruit fut, dans son état d'épuisement, plus difficile qu'elle le pensait. Son pied buta sur une marche, ses talons firent gémir le bois. Mais Jan grimpa derrière elle et ses pas masquèrent ses propres errements.

Lizzie ne s'autorisa à respirer qu'une fois la porte de la chambre refermée derrière eux. Elle entreprit de défaire les épingles qui retenaient ses cheveux, jusqu'à ce que le silence glacial émanant de Jan ne parvienne à son esprit embrumé. Il se tenait là, appuyé contre le chambranle de la porte, son regard posé sur elle. Elle déglutit, ôta les dernières épingles et entreprit de brosser sa chevelure sans prêter plus d'attention au jeune homme. Chaque mouvement ravivait la douleur à son épaule — il lui faudrait s'en occuper dès que Jan aurait quitté la pièce. Elle tâchait de se souvenir de ce qu'Ambroise lui avait appris, mais tout était flou, si flou.

— Vous êtes couverte de sang.

— En effet.

— Vous ne pouvez pas disparaître ainsi sans m'en informer.

— Je croyais que vous souhaitiez en savoir le moins possible, parvint-elle à articuler.

— Nous devons maintenir les apparences, pour l'amour des dieux ! Clervie est passée il y a moins d'une heure. Je lui ai dit que vous étiez malade, mais elle a longuement insisté pour vous voir.

Lizzie se figea.

— Clervie ? Que voulait-elle ?

— Je n'en sais rien, mais cela attendra.

La Lame des Bas-Royaumes / 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant