La pièce résonnait de rires et de conversations enjouées. Au milieu de toute cette agitation, Lizzie peinait à prendre part à la conversation. Elle restait muette la plupart du temps, renfoncée dans son fauteuil, souriait poliment et répondait aux questions qu'on lui posait.
Elle entendait encore les vociférations de la foule.
Elle imaginait la corde se tendre, les jambes qui s'agitaient.
Ambroise l'avait emmenée à une pendaison. Une seule fois. Un avertissement de ce qui l'attendait si elle faillait à sa tâche. Elle n'avait pas fermé les yeux. S'il arrivait à regarder, lui, alors elle y parviendrait aussi. Et il y avait eu les cris des gens pressés autour du gibet, la foule en transe. C'était un meurtrier que l'on pendait, un meurtrier comme elle le serait, lui avait soufflé Ambroise. Mais elle n'était pas exactement comme cet homme qui dansait dans le vide. Elle tuait par devoir, lui avait tué par plaisir. C'était ce qu'elle se disait, lorsque la vision l'avait poursuivie des nuits durant. Elle, elle ne méritait pas un tel sort.
C'était différent, cette fois. Elle aurait dû se retrouver au bout de cette corde, et elle avait condamné un innocent à la place.
Redstig aussi était innocent, lui murmura une voix insidieuse. Quel crime avait-il commis ?
— Comment se passent les affaires, Jan ?
— Plutôt mal. Les derniers blocus contre le Wallend affecte le commerce.
— Les Bas-Royaumes essaient de faire plier le Wallend et de lui faire avouer le meurtre de monsieur Redstig.
— C'est ridicule, siffla Jan. Le Wallend ne va tout de même pas s'accuser d'un crime qu'il n'a pas commis.
Lizzie se tendit. Le ton de Jan s'était fait trop affirmé. Mais après tout, cela ne passerait sans doute que pour du patriotisme.
— Toutes les preuves concordes, quoi qu'il en soit, répliqua Aksel Emerson. Jusqu'à ce valet qui a été pendu ce matin. Qu'en pensez-vous, Elisabeth ?
Elle tressaillit.
— Pas grand-chose, je dois l'avouer. Je crains de ne pas beaucoup m'y connaître en politique. Mais j'espère que la vérité sera bientôt dévoilée. Cette situation affreuse ne peux plus durer.
— La garde travaille dessus. Puisque je suis son successeur, l'on me tient informé de l'évolution de l'enquête.
— Et l'enquête désigne formellement le Wallend ? s'enquit Lizzie.
— Qui d'autre voulez-vous que ce soit ?
Lizzie n'aimait pas la tournure que prenait la conversation. Mais elle devait tâter le terrain.
— Pourquoi pas Haiguo ? Pourquoi pas même l'Ardrasie ? rétorqua-t-elle avec un petit rire.
— Haiguo serait forcément de mèche avec le Wallend. Ils n'ont pas la force de frappe nécessaire, et ont peu d'intérêts au Pays d'en Haut. Quant à l'Ardrasie, grands dieux, c'est tout bonnement impossible.
— Pourquoi cela ?
— Votre Roi est bien trop occupé à jouir de son Palais pour fomenter un coup d'état à Fort-Rijkdom.
Lizzie battit des paupières et prit un air surpris.
— Un coup d'état ?
— Cela y ressemble fichtrement. Je vous parie que le prochain meurtre sera celui de Glaves.
Ascelin de Glaves. Le Haut-Régent d'Ardrasie. Ce qui était peu probable, puisque c'était lui qui tirait les ficelles. Mais le jeune homme se méprit sur la soudaine raideur de Lizzie.
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La Lame des Bas-Royaumes / 1
FantasyChaque année, des jeunes femmes de basse extraction sont dotées par le royaume et traversent l'Entre-Mer pour peupler les colonies du Pays d'en Haut. Un début d'été, Élisabeth Prudence, orpheline de la Pension royale, embarque pour ce nouveau monde...