Sa blessure irradiait une douleur sourde, par instant, cependant le cræft de Jan semblait avoir fait des merveilles sur la cicatrisation de celle-ci. Mais elle garderait sans doute toujours une trace de sa mésaventure. Mésaventure ? Non. Son impéritie, songea-t-elle avec amertume.
Ce n'était pas la première marque qui serait gravée sur sa peau. Ce ne serait sans doute pas la dernière. Mais cela l'irritait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Le coup de feu n'aurait jamais dû l'atteindre.
À travers le tissu, Lizzie pressa le poignard qui ceignait sa cuisse. Ambroise serait furieux s'il apprenait qu'elle avait été blessée. Elle se promit de ne jamais lui mentionner cet incident.
Mais il finirait par savoir le reste. Il apprendrait qu'elle ne s'était pas montrée assez précautionneuse. Assez prudente. Ce n'était qu'une question de semaines avant que l'écho du meurtre d'Ulrik Redstig ne parvienne à ses oreilles.
— J'avais raison, fit Jan à côté d'elle. Aksel a été nommé bourgmestre. Un décret officiel du Gouverneur de Nærmark.
— Si vite ?
Les Gouverneurs étaient choisis par les États des Bas-Royaumes, et, à cause de la distance qui séparait les têtes couronnées du Pays d'en Haut, avaient pour tâche de prendre toutes décisions qui nécessitaient des agissements urgents au nom des monarques. Toutefois, le délai était extrêmement resserré, alors que les funérailles de Redstig n'avaient même pas encore eu lieu.
— Je suppose que le Nærmark ne voulait pas laisser la place vacante trop longtemps.
Lizzie sursauta. Jan appuya son menton sur ses mains qu'il avait jointes.
— Je lui ai proposé de venir ce soir. Hammond Trygve se joindra à nous. Aksel prendra ses fonctions la semaine prochaine, je doute que nous ayons l'occasion de le revoir dans un cadre privé. J'espère que cela ne vous cause pas d'inconvénients.
— Vous êtes chez vous.
— Vous êtes chez vous ici également.
Lizzie secoua la tête.
— Vous savez bien que...
— Je suis sincère, Lizzie. Vous ne resterez peut-être pas longtemps ici, mais tant que vous le serez...
— C'est très aimable à vous, rétorqua-t-elle sèchement.
Il y eut un silence.
— Cela ne me dérange pas, finit-elle par dire.
— Vous m'en voyez ravi.
S'il avait été là, Ambroise lui aurait sûrement murmuré de saisir l'occasion pour se rapprocher d'Aksel Emerson. Plus elle graviterait près du pouvoir, plus elle serait intouchable. Et surtout, elle serait en mesure d'approcher le nouveau Haut-Régent sans éveiller les soupçons, si d'aventure Mercyng réclamait son sang.
— Redstig est mort riche, et sans héritier, reprit Jan. Il possédait de nombreuses parcelles autour de Fort-Rijkdom, elles ont été vendues au plus offrant. Le Wallend a eu interdiction de participer aux enchères.
— Et l'Ardrasie ?
— L'Ardrasie a raflé la mise. Et elle a cédé une part des terres au Nærmark. En signe de soutien.
— Je vois. Qu'y a-t-il sur ces terres ?
— Principalement des forêts et des champs, je crois. Et un certain nombre de points de passage fluviaux vers Fort-Rijkdom.
— Je suppose que cette dernière partie n'a pas été offerte au Nærmark.
— Je n'ai pas les détails, mais c'est en effet peu probable.
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La Lame des Bas-Royaumes / 1
FantasyChaque année, des jeunes femmes de basse extraction sont dotées par le royaume et traversent l'Entre-Mer pour peupler les colonies du Pays d'en Haut. Un début d'été, Élisabeth Prudence, orpheline de la Pension royale, embarque pour ce nouveau monde...