Son pistolet, sa dague et le coffre contenant ses poisons avaient été posés sur le secrétaire pendant la nuit.
Jan était entré dans la chambre. Lizzie le savait — elle avait fait semblant de dormir, mais elle avait été incapable de sombrer. Il s'était penché vers elle, et avait remis en place l'édredon qu'elle avait repoussé, sur son corps brûlant de colère. Et il était parti, sans bruit.
Épuisée de larmes et de sanglots, rongée par l'amertume et l'inquiétude, elle s'extirpa de ses draps peu avant l'aube.
Elle se fit couler un bain, mais l'eau chaude ne parvint pas à dissiper les tensions qui nouaient son corps et la brume cotonneuse qui siégeait dans son esprit. Elle devait retrouver sa lucidité. Réfléchir. Comprendre.
Elle plongea la tête sous l'eau. Les yeux fermés, elle se laissa caresser par l'onde.
Aksel Emerson était mort.
Elle ne l'avait pas tué. Fiona et Jan s'en étaient chargés.
Mais Aksel Emerson était l'ami de Jan.
Il n'avait aucune raison de s'en prendre à lui, et pourtant, il l'avait fait.
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Elle émergea de l'eau, effarée.
Lizzie s'habilla dans une succession de gestes précipités. Elle rangea les poisons dans son coffre, y cacha aussi le mousquet, avant de ceindre la dague à sa cuisse. Elle se sentit mieux ainsi, avec le poids rassurant de l'arme contre sa jambe.
Il était encore tôt. D'une poussée de cræft, elle entendit la respiration paisible de Jan dans le bureau. Il dormait. Fiona, elle, était en train de se lever — elle l'entendit descendre les escaliers. Mais ce n'était pas à la femme que Lizzie voulait parler.
La jeune femme fit les cent pas, attendant que Jan daigne se réveiller. Mais le crépuscule était encore là.
Fébrile, elle rouvrit son coffre, et passa le temps en comptant et en inspectant ses fioles de poisons, mais aucune d'entre elles n'avait été ouverte. Il n'y avait pas d'étiquettes qui auraient pu la trahir. Simplement des fioles en verre teinté de différentes couleurs, qu'Ambroise lui avait fait répété, encore, et encore ; c'en était presque devenu une comptine. Rouge pour la belladone. Jaune pour la krafjane. Violet pour la rue...
Rien ne lui avait été volé. C'était donc que le poison se trouvait déjà dans la bouteille. Une bouteille que Fiona s'était procurée. Ou qu'on lui avait donné. À moins qu'il n'y eût d'autres ampoules de poison, quelque part dans la maison. Elle voyait mal comment fouiller tous les recoins de la demeure sans éveiller les soupçons.
Lorsque la porte du bureau s'ouvrit au rez-de-chaussée, Lizzie se leva. Mais elle s'immobilisa, la main sur la poignée, prête à sortir de la chambre, la gorge nouée. Toute sa volonté s'était évaporée, tout à coup.
Comment pouvait-elle agir normalement ? Comment pouvait-elle prétendre que les doutes n'assaillaient pas son esprit ? Elle n'était pas la seule meurtrière dans cette maison, et quelque chose lui échappait.
Elle s'éloigna de la porte, et s'assit sur le lit.
Aksel Emerson était mort.
Pourquoi ?
Il venait du Nærmark, il était le successeur d'Ulrik Redstig.
Jan n'avait émis aucune réserve quant à l'assassinat de son prédécesseur.
Les doutes qui flottaient à la lisière de sa conscience depuis des semaines firent irruption dans son esprit, brutalement.
Jan était Wallend.
VOUS LISEZ
La Lame des Bas-Royaumes / 1
FantasyChaque année, des jeunes femmes de basse extraction sont dotées par le royaume et traversent l'Entre-Mer pour peupler les colonies du Pays d'en Haut. Un début d'été, Élisabeth Prudence, orpheline de la Pension royale, embarque pour ce nouveau monde...