Chapitre 31 - Un labyrinthe et une danse (partie 2)

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Le carcan qui enserrait sa poitrine se relâcha brutalement.

Lizzie ouvrit les yeux. Il faisait sombre. Ce n'était plus les mêmes ténèbres ; c'était la nuit piquetée d'étoiles. Mais, brutalement, dans un mouvement vertigineux, elle se retrouva face contre terre. Elle n'eut pas le temps de comprendre pourquoi le monde s'était tout à coup renversé. Ses poumons la brûlaient, et, bien vite, ils ne lui appartinrent plus. Elle toussa, cracha, régurgita un liquide froid — de l'eau. Jusqu'à ce qu'elle puisse enfin respirer. Elle inspira de grandes goulées d'air glacé.

Ce ne fut que lorsqu'elle eut reprit ses esprits qu'elle réalisa qu'elle n'était pas seule. Quelqu'un se tenait agenouillé à côté d'elle, et une vague de terreur sans nom la saisit. Elle voulut hurler. Ne parvint qu'à produire un faible gargouillis.

— Ambroise...

— Je suis là.

La main d'Ambroise se glissa dans la sienne.

Elle se demanda par quel miracle il avait pu comprendre son nom dans le coassement à peine audible qui était sortit de ses lèvres. Puis, alors que la réalité la heurta de plein fouet, un flit de pensées l'assaillit. Le labyrinthe, l'homme, la plume verte, les mains sur son cou.

Elle se redressa vivement, regardant autour d'elle. Ce mouvement répandit une douleur atroce dans tout son corps.

— Où...

— Il a pris la fuite. Viens, ne restons pas là.

Il lui tendit son manteau. Lizzie avait si froid qu'elle accueillit comme un miracle la lourde étoffe sur ses épaules. Puis, en baissant les yeux, elle réalisa que sa robe était en lambeaux, comme déchirée d'un grand coup de couteau de sa gorge à son ventre. De même que le corset en dessous. Seule sa chemise de mousseline, qui, gorgée d'eau, collait à son corps comme une seconde peau, était partiellement intacte. Elle était trop fatiguée, elle avait trop froid pour s'empourprer.

— Tu ne respirais plus. J'ai fait au plus rapide, s'excusa Ambroise.

Elle n'en avait pas l'intention, mais elle tourna la tête vers lui. Il était trempé, lui aussi. Il avait dû plonger pour la récupérer. Il avait ôté son masque, et Lizzie réalisa que le sien était introuvable. Elle distinguait mal ses traits dans la pénombre, mais il lui sembla que son visage se découpait singulièrement dans l'obscurité. Livide.

Il tenait son poignard dans sa main libre. Elle tendit ses doigts tremblants, et il y déposa l'arme. Elle se sentit mieux ainsi.

— Merci. Je suis... désolée.

Il ne répondit pas, et ce silence la glaça. Elle essaya tant bien que mal de rajuster le tissu de sa robe déchirée sur son corps, mais les vêtements étaient humides, glacés, et elle abandonna bien vite pour s'emmitoufler dans l'épais manteau. Elle allait se lever lorsque Ambroise l'arrêta et la chargea dans ses bras.

Elle lui en fut reconnaissante. Elle n'était pas certaine de réussir à marcher. Pas certaine que ses jambes parviennent à supporter son poids. Pas certaine de trouver en elle la force même de se mouvoir.

— Vous auriez dû le poursuivre, fit-elle.

— Tu ne semblais pas décidée à remonter.

Lizzie laissa un gémissement lui échapper. Ambroise la serra plus fort contre elle.

— Où allons-nous ?

— À la Pension. Nous sommes plus proches, et tu dois te changer avant d'attraper la mort.

Elle chassa la pointe de déception qui l'envahissait. Elle voulait d'un lieu où elle serait seule, et où elle pourrait donner libre cours aux pleurs qui montaient dans sa gorge, seconde après seconde. Pas la Pension. Mais elle devait tenir, tenir encore un peu. Bientôt, dans l'obscurité du dortoir, elle fonderait en larmes. En larmes silencieuses.

La Lame des Bas-Royaumes / 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant