Chapitre 27 - Les soupçons

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La porte du bureau claqua derrière eux, et Jan la propulsa sans ménagement sur le sofa drapé de velours jaune.

— Elisabeth Prudence ! Répondez-moi !

Elle frémit. La façon dont il venait de lui jeter son nom au visage — comme une insulte — lui était insupportable.

— Je... je n'ai rien fait... parvint-elle à articuler.

Il se pencha vers elle, une rage froide luisant dans son regard, sa mâchoire crispée à l'extrême.

— Vous plaisantez ? chuchota-t-il avec fureur. Aksel est mort ! Sous mes yeux !

— Il a peut-être...

— Assez ! Dois-je vous rappeler que ses gardes sont à notre porte à ce moment-même ?

— Ce n'était pas moi. Combien de fois devrais-je vous le répéter ? Je n'ai rien fait !

Jan se redressa.

— Je ne peux pas vous croire.

Il se massa le front d'une main tremblante. Tout son corps tremblait ; et Lizzie se trouvait dans le même état que lui.

Elle baissa le regard sur ses doigts, mais elle savait déjà qu'elle n'y trouverait pas la bague de saphir, que jamais elle n'aurait pu faire tomber par mégarde le moindre poison dans son verre. Mais il n'y avait pas d'autre explication.

Elle fronça les sourcils. Était-elle folle ? Avait-elle pu empoisonner Emerson sans s'en rendre compte ?

Elle ne comprenait pas.

Elle ne comprenait pas.

Mais il n'y avait rien à comprendre, pas maintenant. Elle réfléchirait plus tard. Pour l'instant, il fallait éviter les ennuis. Comment expliquer la présence du corps — mort — d'Aksel Emerson dans le salon ?

— Qu'avez-vous dans votre coffre, Lizzie ?

— Puisque je vous dis que je ne l'ai pas...

— Non. Non, je vous crois. Mais la garde va venir ici, et elle fouillera les lieux à la recherche du moindre indice.

Lizzie pâlit.

Bon sang ! Dans sa sidération, dans sa panique, elle n'avait même pas considéré cette éventualité.

— Alors ? s'impatienta Jan.

— Des poisons, murmura-t-elle. Des dagues. Et un mousquet.

— Pour l'amour de Werran !

— Ils ne fouilleront peut-être pas mes affaires. Je suis votre femme. Ce serait indécent.

— Ils ne se gêneront pas, grands dieux !

Il avait raison. Le cœur de Lizzie battait dans sa gorge, affolé. Garde ton sang-froid, lui aurait aboyé Ambroise. Mais Ambroise n'était pas là. Et toutes ses années d'entraînement semblaient s'être évaporées en un instant. Dans toutes leurs simulations, jamais elle n'avait été confronté à une telle situation. Elle ne savait pas quoi faire.

Elle leva les yeux vers Jan, espérant y apercevoir la lueur d'une solution. Mais son regard était aussi perdu que le sien. Il appuya ses mains tremblantes contre l'acajou du bureau, le dos voûté, la nuque ployée.

— Restez ici, souffla-t-il d'une voix qui ne souffrait aucune réplique.

Il sortit de la pièce. Quelques instants plus tard, elle entendit les marches qui montaient au-dessus du bureau craquer. Lizzie pressa ses paumes contre son front, tâchant de retrouver son calme. Mais il lui semblait que tout son corps tremblait.

La Lame des Bas-Royaumes / 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant