𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 42

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Mayna avait cédé au sommeil sans même s’en rendre compte. Elle ne savait par quelle prodige elle s’était retrouvée allongée sur son lit mais elle en était ravie. Confortablement installée elle avait dormi toute la nuit jusque tard dans la matinée, les timides rayons de soleil illuminant sa chambre n’ayant pas suffi à la tirer de ses songes. Un peu vaseuse et à peine réveillée, elle baillait plus qu’elle ne respirait mais elle se sentait mieux. Son escapade de la veille lui avait soutiré bien plus d’énergie qu’elle ne l’aurait imaginé. Elle devrait parler de cela avec Noctaline. Si l’ancienne l’avait rassurée sur le fait qu’elle ne pourrait blesser personne, elle ne l’avait pas mise en garde contre l’épuisement occasionné. Mais peut-être n’était-ce que le résultat de sa journée, bien trop longue et riche en émotions. Elle n’aurait su le dire.

Elle ne put s’empêcher de sourire en repensant à sa sortie nocturne. Elle s’était lancée sans réfléchir ni douter, d’instinct, comme si elle avait pratiqué cet exercice toute sa vie. L’expression de la soignante valait bien le détour d’ailleurs… Et voir Zéti se lever sur son lit avait déclenché une telle vague d’émotions en elle… Elle pouvait sauver des vies, soigner des gens, des êtres qui lui étaient chers ! Peut-être pourrait-elle un jour aider ses amis sur le continent des hommes ! Encore fallait-il qu’elle puisse quitter la Lande et qu’elle comprenne sa vision.

Cette idée lui arracha une grimace. Non que l’idée de rencontrer le clan des Voyants la dérangeait, mais faire ce voyage avec Killian s’avérait être une corvée plus qu’un plaisir. Son caractère et cette répugnance, cette aversion qu’il avait pour elle, ne lui facilitaient pas le contact. Elle avait sans cesse peur quand elle était en sa présence. Un mot de trop, une phrase maladroite, un sourire ou une moue, et il pouvait partir dans un accès de colère imprévisible et blessant. Sa compagnie ne lui était pas si chère, elle n’aurait pas prié pour qu’il l’accepte, mais elle avait horreur des conflits, en particulier lorsqu’ils n’avaient lieu d’être. Et puis, si Mestrel avait pardonné à son ex-femme pourquoi ne pouvait-il ne serait-ce que faire l’effort de tolérer son existence ? Était elle si repoussante, si rebutante, que seul son statut de Faeria importait aux yeux des autres ? Était-ce seulement pour cela qu’ils l’avaient acceptée sur l’île ? 

Ses questionnements ternissant sa bonne humeur matinale, elle entreprit de se laver et de s’habiller. Traînant des pieds, elle quitta sa chambre et se dirigea vers la cuisine. Son estomac criait famine, si fort et douloureusement qu’elle craignait qu’il ne se digère lui-même. Elle ne se rappelait pas avoir connu une telle faim depuis sa fuite du château alors qu’elle n’avait que quelques noix et pommes à se mettre sous la dent. Cela, bien entendu, avant qu'Emelia, dans sa bonté, ne lui propose une place dans sa vie. Elle lui manquait tellement, sa bienfaitrice aux cheveux d’or… 

Elle ne croisa personne en chemin, comme à l’accoutumée et la cuisine était également vide. Cependant, elle sentait, plus qu’elle n’entendait, une grande activité dans les bas étages. Le rez de chaussée avait l’air empli de monde et tous semblaient en effervescence. Une tartine beurrée et pleine de confiture à la main, elle parcourut aussi rapidement et discrètement qu’elle put les couloirs. Arrivée au grand salon, elle s’avança juste assez pour voir ce qu’il se passait. 

Au centre de la pièce, elle reconnut Zéti. Autour de lui, Mestrel parlait fort et faisait de grands gestes sous le regard rieur de Killian et de Lithlin, dont le sourire solaire illuminait le visage. Si elle avait déjà vu Lithlin sourire à de nombreuses reprises, il n’en allait pas de même de Killian, loin de là. Cette vision enchanteresse l’avait happée. L’homme solide qu’il était semblait avoir rajeuni. Ses grands yeux d’ambre brillaient d’une lueur nouvelle, un bonheur qui colorait ses prunelles de reflets dorés. Son visage, d’ordinaire si sévère, s’était adouci. Il était détendu et non crispé, assis simplement sur un dossier de fauteuil, et non bien droit sur ses pieds et tendu de tout son être comme elle avait usage de le voir. Il rayonnait. Il était magnifique.

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant