⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 60

Mayna avait beaucoup à raconter mais elle prit le temps de le faire. Elle ne voulait laisser à Orelio aucun doute sur ses intensions et la raison de la présence de ses compagnons. Elle lui conta son arrivée sur l'île, sa rencontre avec Killian, Noctaline, Mestrel et les autres. Elle lui parla de ses dons et de comment elle les avait reçus, ainsi que la vision qu'elle avait eu et de la décision qu'elle avait prise, de son entraînement, de leur départ. Orelio, qui l'écoutait attentivement sans toutefois risquer de croiser son regard, peinait à la croire. La vie sur cette île semblait bien loin de ce qu'il avait pu s'imaginer et les paroles de Mayna, pour qui ne la connaissait pas, l'auraient fait passer pour folle. Que des mages se mobilisent de leur propre volonté pour venir en aide à une humaine, quand on connaissait les horreurs qui liaient ces deux peuples, était digne des affabulations d'un aliéné. Il avait beau chercher la plus petite trace de mensonge sur les nombreux visages qui l'entouraient, il n'en décela pas la moindre et cela fit monter en lui à la fois fureur et terreur.

« Avez-vous perdu la raison ? » S'emporta-t-il. « Vous avez affronté une mer déchaînée et survécu de peu pour vous jeter sur l'empereur ? Vous tenez donc tant que cela à mourir ? »

« C'est le seul moyen de sauver Emelia. » Répondit calmement Mayna. « Je lui dois trop pour la laisser entre ses griffes sans réagir si j'ai le moyen de l'en tirer. »

« Mais c'est pure folie ! As-tu une idée de l'importance de sa garde ? De l'épaisseur de ses murailles ? De l'invulnérabilité de son palais ? »

« Oui, j'en ai une vague idée... J'y étais retenue captive et m'en suis échappée, je te rappelle. Emelia a dû te raconter tout cela. »

Orelio était mortifié. Comment avait-il pu oublier ce détail ? Oui, elle connaissait ce palais, et de la plus horrible des manières. Emelia avait pris soin, après son absence, de leur raconter toute son histoire, son état de sorcière expliquant probablement son enfermement. Se rappelant ce qu'il avait ressenti à cet instant, sa peur monta d'un cran.

« Justement ! Tu veux vraiment y retourner ? »

« Nous y allons tous. » Intervint Jayde. « Emelia... Nous savons tout ce qu'elle a fait pour Mayna. Comme je te l'ai dit, elle nous est précieuse. En tant que Faeria bien entendu, mais aussi et surtout en tant qu'amie. Sans cette femme, nous l'aurions sans doute perdue ou, du moins, nous ne l'aurions pas connue. Pour ce simple service, qui a changé la vie de tout notre peuple, nous nous devons de l'aider. Et nous protègerons Mayna, si tant est qu'elle ait besoin de protection. »

« Elle en aura besoin, c'est certain. L'empereur n'est pas un homme à qui l'on échappe aisément, et encore moins éternellement. S'il la veut, il tentera tout pour la reprendre. »

Mayna soupira. Elle avait pensé à cette éventualité mais ne l'avait pas retenue, se disant que, dans le meilleur des cas, elle n'aurait pas à s'approcher de ce monstre et donc à risquer de perdre sa liberté si durement acquise. Chassant la réflexion d'Orelio d'un simple geste de la main, elle s'approcha pour lui faire face, s'accrochant à Jayde pour ne pas perdre l'équilibre sous l'effet de sa fatigue grandissante. Elle prit son menton dans sa main et le tourna vers lui avant de parler d'une voix ferme.

« Je n'ai cure des intensions de l'empereur, Orelio. Il tentera ce qu'il voudra, il échouera. Pour ma part, tout ce qui m'intéresse, c'est de m'introduire dans ce maudit palais et d'en sortir celle qui m'a sauvée, recueillie et appris tout ce que je sais. Je lui dois la vie, je compte bien lui rendre la sienne. Avec ou sans ton soutien. »

« Mais je... »

« Peu importe, pour cette fois ton avis ne compte pas. Je suis trop épuisée pour en parler plus longuement et je n'ai pas la tête à débattre du bien fondé de cette expédition. Je te propose de prendre ce qu'il reste de la nuit pour y réfléchir. En attendant, je vais montrer à nos compagnons des chambres où dormir, en espérant qu'il y en ait assez en état de les recevoir, et je vais aller me reposer. »