⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 58

D'instinct, Killian porta la main à son épée. Serrant fermement la garde entre ses doigts, il s'apprêtait à dégainer. L'humain était presque aussi grand que lui et sa carrure était impressionnante, ses muscles larges et puissant parant son corps comme une armure de chair. Il n'aurait pu distinguer la couleur de sa peau, plus foncée que celle de Mayna, il en était certain, mais il pouvait affirmer qu'il avait les cheveux sombres et les yeux d'un noir profond dans lequel on risquait de sombrer si on se hasardait à trop les fixer. La colère qui émanait de lui était presque palpable, elle alourdissait l'atmosphère et le faisait frissonner. Cet homme était une force de la nature, forgé par les éléments et par un sévère entraînement. S'il n'était pas guerrier de métier, ce que Killian aurait pu jurer, il devait avoir un quotidien bien éprouvant. Serrant les dents, il tira sur sa lame qui émit une légère brise en se libérant de son fourreau. Il s'apprêtait à bondir mais Mayna, jusque là cachée dans son dos, le prit de court.

« Orelio ? »

Orelio ? Elle connaissait donc cet énergumène ? La voyant bondir en avant pour se jeter dans ses bras, il en laissa tomber son arme qui flotta un moment au dessus du sol avant de s'échouer sur le parquet abîmé, incapable de réagir. Mayna, elle, était aux anges. Serrant contre elle son ami, elle pleurait de joie et de soulagement. Non, ils n'étaient pas tous morts, elle ne les avait pas tous perdus. Elle n'aurait jamais cru pouvoir à nouveau ressentir du bonheur dans cette demeure qui, elle l'avait vu, avait connu un si grand malheur. Elle n'avait eu aucune vision d'Orelio et de ses compagnons et elle espérait bien qu'ils étaient saufs, mais ses certitudes ébranlées par sa douleur et son pessimisme lui avaient interdit de faire plus que l'envisager vaguement

Orelio n'était pas en reste, sans nouvelles de son amie depuis des lunes, il n'avait pu que penser qu'elle avait péri dans les flots déchaînés de l'océan des perdus. La voir ainsi devant lui, serrer dans ses bras son frêle petit corps... Il n'avait pas de mots pour décrire ce qu'il ressentait. Elle lui avait tant manqué, sa sorcière aux cheveux de feu... La serrant plus fort contre lui, il laissa échapper un sanglot étouffé dans son cou. Il la croyait perdue, avalée par les flots déchaînés. Au plus fort de ses espoirs, il s'était dit qu'elle avait pu traverser et qu'elle s'était retrouvée blessée, coincée en mer et, peut-être, ramassée par quelque bateau de pêcheur, ou, avec une chance insolente, qu'elle était arrivée sur l'île des mages, la légendaire Lande. Mais si c'était le cas, que faisait-elle ici ? Peu importe, il l'avait retrouvée. Resserrant une nouvelle fois son étreinte, il enfouit son nez dans la chevelure de la jeune femme et en huma le parfum fleuri. Ce fût là son erreur.

« Je te conseille de la relâcher si tu ne veux pas que je me charge personnellement de te l'arracher des mains ! » Siffla Killian, mauvais.

Si Mayna avait senti monter en lui sa colère, elle ne se doutait pas qu'elle avait atteint une telle intensité. Elle savait son aigle jaloux et possessif, tout comme elle savait qu'il n'aimait pas ce sombre aspect de sa propre personnalité et, s'il essayait de se contenir un maximum, ce qu'elle percevait de moins en moins, elle était persuadée que voir sa compagne dans les bras d'un autre homme devait lui provoquer une douleur et une rage indescriptible. Elle se sentit coupable de ne pas avoir pensé à ce qu'il pouvait ressentir avant de se précipiter vers son ami. Cependant, elle n'eut que le temps de tourner la tête qu'Orelio répliqua.

« Et en quoi es-tu qualifié pour m'interdire de la toucher ? Elle ne t'appartient pas, que je sache. »

« Plus qu'à toi, tout comme je lui appartiens. Range tes mains, si tu souhaites les garder au bout de tes bras. »

« Venant d'un homme qui laisse choir son épée au sol, pardonne-moi, mais la menace est risible... » Ricana Orelio, de plus en plus énervé par le ton de cet intrus.