⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 55

Elle n'avait jamais entendu Mestrel lui parler sur ce ton. Ni à elle, ni à quiconque d'ailleurs. D'ordinaire si doux et mesuré, bien que méfiant, il avait haussé la voix, parlant plus fort et plus gravement, sèchement même. Son regard s'était fait plus dur et plus perçant. Un instant, elle avait aperçu le loup en lui, le chef de meute, celui qui dictait sa volonté aux siens et se faisait obéir non par la menace mais par le charisme et la raison, par une autorité naturelle dont il débordait à cet instant. Saisie par sa réaction, Mayna n'avait pu répondre quoi que ce soit. Il n'avait par tord, bien au contraire, mais s'inquiéter pour les autres était si naturel pour elle... Pourtant, elle devrait mettre ses craintes de côté et se concentrer sur sa mission. Son devoir même. Guider ces hommes et ces femmes jusqu'au palais impérial, délivrer Emelia, repartir avec chacun des membres sains et saufs. Elle devait tous les ramener. Fronçant les sourcils et serrant les poings, elle comprit enfin le message de Mestrel. Si elle se dispersait, si elle se laissait gagner par l'angoisse, c'est là qu'elle leur ferait courir un danger. Moins sur ses gardes, prompte à se laisser distraire par la peur, elle risquait de ne pas pouvoir réagir au moment où ils en auraient le plus besoin.

« Désolée. Ça ne se reproduira plus. »

« Oh bien, tu réagis vite... Enfin, je n'en attendais pas moins de toi. Maintenant, si tu veux bien revenir parmi nous, nous avons des présentations à faire, des informations à partager, un plan de route à établir et j'en connais un qui doit tourner en rond en attendant ton retour... Il n'est tellement pas discret... »

Mayna rit doucement, reconnaissant volontiers que Killian, méconnaissable, cachait bien mal ses émotions et se montrait plus que protecteur et possessif à son égard. Il avait du mal à la quitter des yeux mais cela l'arrangeait bien, ayant elle-même des difficultés à se séparer de lui plus de quelques heures. Inspirant un grand coup, elle saisit la main que Mestrel lui tendait et regagna la grande salle où son compagnon semblait vouloir creuser un sillon dans le sol à la seule force de ses pas. La voyant arriver, il l'attira contre lui et ne la lâcha plus. Il avait saisi le fil de ses pensées, bien qu'il n'en ait pas vraiment eu besoin, connaissant la jeune femme sur le bout des doigts. Il s'assura cependant mentalement de son état avant de la présenter à Videl qui la serra chaleureusement contre lui avant de la rendre à son frère avec un sourire moqueur. Oui, il y avait décidément une grande complicité entre ces deux mages, malgré les années.

Rune, constatant son retour, réclama le silence d'une voix forte et invita la jeune femme à le rejoindre au centre de la pièce. Elle inspira un grand coup pour prendre un peu de courage, sa timidité la rattrapant, et s'avança, non sans traîner Killian derrière elle, ce qui n'étonna personne. Il y avait devant elle des visages curieux, tous différents mais volontaires et déterminés. Tous avaient le regard braqué sur elle, sans malveillance ni arrière pensée. Ils étaient curieux de savoir ce qui avait été prévu et de comment allait s'organiser leur traversée. S'apprêtant à parler, Rune la devança, présentant aussi sommairement que possible les mages qui feraient à ses côté ce voyage. L'entreprise fût longue, au vu du nombre de convives, plus de quarante, et Mayna était certaine qu'elle ne retiendrait pas tous les noms dans la soirée. Killian la rassura mentalement, il les connaissait bien, la plupart étant de son clan ou des Enchanteurs assez fréquemment croisés dans la forge, efficaces et méticuleux qu'ils étaient, les autres étant des élémentaires notables, connus pour leur grande maîtrise de leurs dons. Elle reconnut d'ailleurs Sicomore, qu'elle salua de loin, ainsi Sam, Décepti, Lior et Ostar à qui elle adressa également un discret signe de tête. Elle se sentait un peu rassurée d'avoir à ses côtés quelques têtes connues et, chassant son inquiétude, se rappela des paroles de Mestrel. Oui, elle les avait vus en actions, non les Hommes n'étaient pas des bêtes de la forêt. Oui, elle les ramènerait tous sains et saufs, ils étaient assez forts pour cela.