𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 11

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Son petit rire, à cette phrase qui n'était qu'une figure de l'esprit, fut stoppé net par les pleurs soudains de Mayna. Elle comprit que la jeune femme, qu'elle avait d'abord cru craintive à cause de sa naïveté et de sa condition précaire, était en fait dans une grande détresse. D'abord choquée, elle la prit dans ses bras, essayant par des mots doux et des caresses d'atténuer les tremblements qui secouaient son corps frêle, mais abandonna bien vite cette idée, voyant que ses efforts étaient vains. Elle la serra alors contre elle, autant qu'elle pût, pour lui apporter le réconfort dont elle avait cruellement besoin, et ne la relâcha que lorsqu'elle s'endormit, épuisée, visiblement à bout de forces, et se laissa tomber sur l'épaule de Tany. Ne sachant que faire, elle la tira jusqu'à elle et, se relevant, l'allongea sur le divan, la recouvrit d'une couverture fine, et la laissa où elle était pour qu'elle prenne tout le repos dont elle avait besoin.

Elle sortit de la pièce en silence mais couru bien vite rejoindre sa maîtresse pour la prévenir de l'état de leur invitée, qu'elle jugeait plus qu'inquiétant. Au-delà d'une fatigue physique et de l'émoi dû à la chasse que lui faisaient les hommes de l'empereur, elle craignait une blessure du cœur, profonde et purulente qui, si elle n'était pas guérie, pourrait avoir raison de son cœur doux et de son esprit. Emelia était bien plus douée qu'elle pour apaiser les cœurs et soigner ces maux, elle avait une oreille objective et sans jugement, une patience d'ange, cachée derrière une volonté de fer et un courage sans faille. Quand elle parvint au bureau de sa maîtresse, Tany frappa trois coups et entra dès qu'on l'invita à le faire.

« Maîtresse ? Je peux vous parler ? »

« Qu'y a-t-il, tu sembles soucieuse... »

Tany se dandinait d'un pied sur l'autre, à la fois inquiète pour Mayna, pressée de lui venir en aide, et gênée de déranger sa maîtresse dans ses affaires. Elle hésita quelques secondes avant de s'approcher et de s'asseoir près d'elle. Une main sur sa cuisse, elle reprit la parole.

« Maîtresse, je pense que notre invitée a vécu quelque chose de traumatisant. Quand je l'ai trouvée, elle avait peur, c'est vrai. J'ai mis cela sur le compte des limiers, mais je ne crois pas que ce soit la principale raison. Elle n'a pas versé la moindre larme quand nous nous sommes moquées de son ignorance, ni même quand les jardiniers se sont moqués de son apparence, elle n'a pas tremblé quand nous l'avons dévêtue pour la laver mais... à l'instant, nous parlions de l'empereur. Je lui ai dit qu'il était un nigaud, et, en riant, je lui ai demandé de ne jamais le répéter car on me brûlerait pour mes paroles. La pauvre a fondu en larmes, prise de violents sanglots et de tremblements incontrôlables. Elle s'est endormie, vaincue par l'épuisement. J'ai peur que, sa crainte, quand je l'ai trouvée, n'ai pas été d'être découverte, mais bien de se retrouver face à un autre humain. Je pense qu'elle a vécu quelque chose qui lui fait désormais craindre ses semblables. Et... J'ai peur que, si nous ne venons pas à bout de ce mal, elle ne fasse plus jamais confiance à personne et se laisse sombrer dans la démence de la solitude. »

Emelia recueilli le témoignage de son amie avec attention. En effet, le comportement de la jeune femme était étrange et inquiétant. Elle n'avait pas montré le moindre signe d'aise en leur présence, elles qui étaient pourtant, comme elle, des femmes. Et si elle avait eu une réaction aussi violente pour de simples mots c'était que, selon elle, Mayna avait déjà vécu l'expérience des flammes. Cependant, après l'avoir vue nue, elle n'avait remarqué aucune trace de brûlure ou de sévices. C'était un mystère à résoudre et elle devait rapidement s'y employer.

« Où l'as-tu laissée ? »

« Sur ton divan maîtresse, dans ta chambre. Là où elle s'est endormie près de moi. Je n'ai pas eu le cœur à la bouger, de peur de la réveiller et de la priver d'un sommeil nécessaire. »

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant