𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 48

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Mestrel commençait à paniquer. La jeune femme entre ses bras était inconsolable. Ses sanglots secouaient son frêle petit corps avec tant de violence qu'il craignait qu'elle ne se brise. Adamey, toujours assise en face d'eux, n'était pas du genre à se laisser aller à l'émotion, elle en avait trop vu pour cela, mais quelques larmes s'échappèrent tout de même de ses yeux. Le loup se sentait impuissant et il avait horreur de cela.

« Adamey, qu'as-tu vu qui la mette dans un tel état ? »

« Son père. »

« Oui mais encore ? »

« Il s'est sacrifié pour permettre à sa mère d'échapper aux hommes qui voulaient leur mort, alors qu'elle était enceinte d'elle. Nous avons assisté à ses derniers instants. »

« Seigneurs... »

Resserrant son étreinte sur Mayna, il posa sa tête dans sa nuque et la berça doucement. Il avait lui-même assisté à la fin tragique de sa compagne, dans sa folie, et celle de son fils nouveau né. Il comprenait aisément sa douleur et sa détresse, surtout qu'il savait que ce genre de vision ne se limitait pas à une suite d'images, elles transmettaient les sons, les odeurs, et bien entendu les sensations et les sentiments de ceux qui étaient visés par le mage. Il serrait les dents pour ne pas se laisser aller à l'émotion. Mayna tremblait dans ses bras, il se devait de garder la tête froide.

« Adamey, es-tu certaine qu'il n'est plus ? »

« Oui. J'ai senti la vie quitter son corps. »

« Pauvre enfant... Y a-t-il quoi que ce soit qu'on puisse faire pour la soulager ? »

« Mis à part la soutenir, je ne vois pas. Elle va avoir besoin de repos et de courage, cette petite. Mais cela, je le lui ai déjà dit. La soirée est déjà bien avancée. Je te conseille de la reconduire à sa chambre, qu'elle dorme un peu. »

« Oui. Mais je m'inquiète. La mort de ses amis, la disparition de sa bienfaitrice, et maintenant cela... J'espère qu'elle s'en sortira indemne. »

« Les dieux seuls le savent. Pour ma part, je vais rentrer. Voler de nuit ne me dérange pas et ma monture m'attend. J'ai à faire auprès des miens. Prends soin de cette petite surtout. Quels que soient ses projets, elle fera de grandes choses. »

« Ne t'en fait pas pour ça. Tu peux partir tranquille. Mayna ? Tu peux... Oh... »

Il ne termina pas sa phrase. Dans ses bras, la jeune femme avait succombé à l'épuisement et dormait, poings et mâchoire serrée. Nul doute que son sommeil serait agité. La tournant sur le dos, il la souleva sans mal et la porta, marchant doucement et évitant les rues animées de la ville, jusqu'à sa chambre où il la déposa sur son lit. Elle respirait fort et gémissait mais était profondément endormie. Ne pouvant rien faire de plus, il l'embrassa sur le front et s'éloigna à reculons jusqu'à fermer la porte de sa chambre, espérant de tout cœur que ses cauchemars l'aideraient à évacuer un peu de ses malheurs.

Dans la cité des Changeforme, du moins leur fief principal, Killian rêvassait sur son lit. Il n'arrivait pas à se sortir son sourire de la tête. Ni son visage, son odeur, et ses yeux si particuliers qui changeaient de couleur au gré de ses humeurs. Il venait de passer les deux dernières semaines à aller et venir entre les draps des femmes qui voulaient bien l'accueillir et, bien que sur l'île les rapports charnels libres n'aient jamais été tabous, il se sentait mal. Non seulement il n'avait pas réussi à l'oublier, mais les choses avaient empiré. Chaque femme lui rappelait qu'elle n'était pas à ses côtés, chaque peau qu'il caressait n'était pas la sienne, chaque parfum était trop différent du sien.

Les dents serrées, il ne pinça le nez. A ses côtés, Diane dormait à poings fermés, alors que le soleil n'était pas encore couché. Il regrettait déjà d'avoir cédé à ses avances et se demandait comment il allait pouvoir se tirer de ses griffes. Elle avait débarqué dans la cité sans prévenir et l'avait collé au train tout le long de son séjour. Adouci par la boisson, il l'avait suivie sans résister jusqu'à sa chambre de la maison des visiteurs et s'était laissé aller à ses caresses. Le moment avait été agréable, sans plus, et ne lui avait fourni qu'une temporaire distraction mais n'avait pas suffit à chasser la Faeria de ses pensée et encore moins à le fatiguer.

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant